SOCIETE

Ces nuits sauvages qui ne tuent pas le poète sensible

Originaire de l’Artibonite, le jeune poète et étudiant à la Faculté d’Ethnologie Franckson Alcide Aka Coco, signe son premier recueil de poèmes intitulé Nuit sauvage suivi du poème d’étreinte, paru, cette année, à Self Editeur. Amour, l’érotisme, tristesse, femme, politique, pays entre autres sont les thématiques qui traversent toute la trame poétique du recueil.
 
Passionnant est le premier mot qui vous vient à l’esprit quand on ouvre le recueil de poèmes intitulé Nuit sauvage suivi du poème d’étreinte, pour en faire une petite balade à yeux curieux et rêveurs. « De la douce poésie », (ici on essaie de ne pas trop exagérer) est l’expression convenable pour dire le travail qu’a fait le jeune poète et dramaturge tout au long des 50 pages du recueil devient petit coup de cœur. On est vite en train d’assister à un petit garçon de la ville qui malmène le verbe pour faire vivre le beau.*

 Le jeune poète « est un consommateur de vertiges/d’affolement/ ». Son univers est funeste. Il nous fait penser aux sanglots dans la ville, il est triste de voir sa ville habitée par trop de canards sauvages et. De voir l’espoir qui part en fumée comme un pauvre qui regarde brûlé, sans efforts, sa demeure. 

Des mots à dire, simple comme on ouvre les yeux. Des paroles faciles à entendre. Des paroles sensibles. La sensibilité a une certaine promiscuité à la misère. Elle l’utilise pour parler de notre réalité, nous fait réfléchir à notre terre où «la méchanceté baigne/nos cœurs ». Être sensible est un beau prétexte d’humanité (les âmes sensibles n’ont pas d’amour à donner). Si on est sensible, on est censé prêter attention aux choses qui dérangent l’autre. Aux choses qui font mal à l’autre. Ici, la sensibilité du poète est un prétexte d’amour (femme, la vie, pays). D’un désir vif d’être aimé, avant qu’il soit trop tard :
« prends moi dans tes bras à jamais/
femme claire d’obscure/
Aimez-moi avant la migration du jour.»

Les silences font mal, les bruits aussi. Les nuits portent des conseils. Et les nuits chez Franckson Alcide portent horreurs. Dès qu’un poème s’ouvre dans le texte notre triste réalité entre, parce que « de toutes les terreurs/les sauvages sont venus/ avec dans leur tete l’oppression/ l’exploitation de nos sangs/ils sont venus a fonds/ils sont venus des bois/la nuit aboie des silences/biaisés de toutes nos enfance/folles d’avenir »

La poésie c’est aussi un regard capable de capter, en un vers, tous les aspects d’un monde multiforme (Danny Laferrière, l’art presque perdu et ne rien faire, Les Éditions du Boréal). Et ce regard que le jeune poète porte sur la ville est un regard sensible. Le poète a peur de la nuit, il veut qu’elle soit vierge c’est-à-dire qu’elle doit se débarrasser des affres, de la bêtise de ceux qui l’habitent.

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Le poète sensible est un poète qui lutte par les mots. Qui cherche par où et comment vient la terreur qui pèse lourd sur la ville où: « les sanguinaires encore/et encore plongent nos corps de sinistres aux eaux troubles de la mort/jour de petite pluie/pour un martyr-sang/des fils électriques mouillées sans peau d’isolement/crachant à des centenaires/de jours meurtris/nos corps tombeaux de souffrances». Le poète appartient à une réalité, il ne doit pas être un électron libre. Il a sa part de responsabilité (dire et dénoncer). Il n’y a pas de poésie sans engagement, sans une cause, et cela doit être une « cause populaire », ce travail que fait le poète muni de son érotisme. Plus loin, le poète sensible qui hait l’horreur et la combat par le verbe. Qui prête attention aux circonstances de la chute de la ville, et de ce pays qui meurt.

Il prend les mots, tous les mots qu’il trouve dans les rues, dans les champs, pêchez dans les eaux troubles du jour, pour dire la femme, ses amertumes et ses chagrins. Il taille à la hache son érotisme nu « sur les grabats de mon cœur/la nuit est sexuelle mon amour ». Par l’érotisme et plaintif d’amour, il décrit la ville et ses malheurs et inespérance «la terre se tortille sur le silence de l’avenir/assassiné en nous». Le sensible au cœur mutilé, c’est ainsi que le jeune poète se définit dans le recueil « ô mon amour/je t’aime comme une cathédrale/de péché abandonnées par les dieux/au déluge du pardon/je t’aime comme un juron d’espoir »

Tout au long du texte le poète torde et brasse la langue. Par ailleurs, ce recueil est bien mené, mais toujours un certain suivisme de la création artistique, pas trop d’effort pour un élan créatif singulier d’une propre appartenance, jusqu’à en venir avec du Coco c’est-à-dire un « langage nouveau » dans le sens Ingebordien de l’expression. Cette reproche faite, est plutôt la plus carence dans la production artistique et littéraire même dans littérature contemporaine Haïtienne (n’est-ce pas un vieux chapitre ?)

Si l’état de la poésie crie haro sur la stupidité contemporaine (René Depestre, rage de vivre, Edition Seghers, 2006l), l’état de la parole poétique Alcidienne est assaut contre les maux (du pays). Coco signe un recueil qui veut prendre rendez-vous à deux adjectifs « puissant et majeur ».

Dans un « trop-plein » du sens et d’images, la poésie de Franckson prend l’encablure d’une parole fluide, lucide, peu pure et rude.

Kerby Vilma

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