EDUCATION

Lettre ouverte au Ministre de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP)

Port-au-Prince, le 19 Janvier 2023
Ref : AS01COM20

De la nécessité pour une nouvelle Réforme éducative en Haïti

Monsieur le Ministre,

L’Action Syndicale des Enseignants d’Haiti (ASEHA) vous adresse ses salutations profite de l’occasion pour vous solliciter la mise en branle du processus devant déboucher sur une nouvelle réforme éducative en Haïti. Cette reforme devra favoriser, entre autres, la valorisation du métier d’enseignant et la transformation globale de l’école haïtienne.

Effet, comme vous le connaissez fort bien, de la fondation du système éducatif haïtien à nos jours, il a toujours été confronté au problème de qualification d’enseignants. Depuis la reforme Bernard de 1982, les actions réalisées dans le système ne permettent pas de résoudre ce problème macabre impactant négativement la qualité du processus enseignement-apprentissage dans le pays. Presqu’à chaque période, ce problème-là sert de prétexte à la mise en place de projets éducatifs ne permettant pas réellement d’éradiquer ce fléau. À titre d’exemple, entre 2007 et 2008, le programme de la Formation Initiale Accélérée (FIA) a été instauré pour former un très grand nombre d’enseignants au profit du système. Malheureusement, ce programme n’a pas fait long feu. En outre, les quelques rares enseignants qui y ont été formés continuent sans succès de réclamer leur intégration dans le système.

Mis à part les ressortissants de la FIA, ceux issus des espaces permanents de formation d’enseignants tels CFEF, ENS et des UPR manifestent en permanence pour réclamer leur nomination à titre d’enseignants d’État. En dépit de tout cela, à votre retour au Ministère en en janvier 2022, vous avez annoncé, la mise en place d’un autre programme de formation au profit d’un ensemble d’enseignants non qualifiés. Est-il normal de continuer avec ces genres de programmes bidons? Le Ministère doit-il continuer à recruter des enseignants dépourvus de qualification ou sans formation initiale en éducation? L’enseignement n’est-il pas un métier noble requérant une bonne formation initiale dans le domaine?

Monsieur le Ministre, l’Action Syndicale des Enseignants (ASEHA) avait grandement apprécié votre décision de doter le pays d’une base de donnée sur les enseignants grâce au processus permettant de délivrer des Permis Provisoire d’Enseigner. Cette décision figurait parmi les 12 fameuses mesures devant, dans une certaine mesure, donner un statut officiel à tous les enseignants du pays. Avec ces douze mesures, vous avez exigé, dans le cadre du recrutement de nouveaux enseignants, d’accorder de la priorité aux personnes détenant une formation de base dans le domaine de l’enseignment. Appliquée dans toute sa rigueur, cette mesure devait, au fur et à mesure, fermer les portes de l’école haïtienne aux personnes ne détenant aucune qualification pour enseigner de même que celles qui n’avaient pas opté, après leurs études classiques, pour l’enseignment comme métier. Il est regrettable de constater que ceux qui vous ont succédé à la tête du Ministère n’avaient rien fait en vue appliquer ces mesures.

Monsieur le Ministre, la majorité des gens détenant une formation en éducation pensait que votre retour à la tête du MENFP allait favoriser la mise en application des 12 mesures. Malheureusement, environ une année après votre installation, vous ne faîtes aucun cas de ces mesures. Récemment, suite à votre recommandation bien sûr, les Directions Départementales d’Éducation ont revenu avec le Permis Provisoire d’Enseigner. Au profit de qui alors? En délivrant ces permis dits provisoires à n’importe comment procédera le Ministère pour former les personnes dépourvues de formation initiale en éducation? Quelles mesures préventives allez-vous prendre pour fermer les portes de l’école aux personnes dépourvues de qualification pour enseigner?

Monsieur le Ministre, le pays a besoin d’une nouvelle génération d’enseignants formés spécifiquement dans le domaine et qui sont soucieux de la réalisation de leur mission. Il faut impérativement cesser le recrutement massif de n’importe qui ou de quelle personne formée dans n’importe quel domaine comme enseignants. Les personnes formées dans le domaine de l’enseignement en provenance des institutions publiques ou privées, doivent avoir réellement de la priorité sur celles qui n’ont pas été formées spécifiquement en qualité d’enseignants. L’appel à d’autres gens venus d’autres domaines de formation pourra se faire uniquement en cas de carence. C’est-à-dire, après la nomination de tous ceux qui avaient volontiers choisi l’enseignement comme métier.

Pour mieux outiller les enseignants de formation, il importe que les institutions de formation du domaine orientent ou réorientent leur programme d’Études suivant le besoin du pays en général et de l’école haïtienne en particulier. Par exemple, pour des cours comme économie, arts plastiques, informatique, musique, il n’existe, jusqu’à l’heure actuelle, aucune institution de formation d’enseignants les intégrant dans leurs filières de spécialisations. En conséquence, ceux qui enseignent actuellement ces genres de disciplines dans les salles restent, en grande partie, des gens qui n’ont aucune formation de base en éducation. Cela veut dire que les institutions de formation d’enseignants doivent avoir soit des formations de premier soit des formations de second cycle en rapport à domaines là.

Monsieur le Ministre, il est scientifiquement prouvé que la personne qui enseigne doit non seulement avoir une bonne maîtrise de la discipline enseignée, mais également de bonnes notions dans les sciences de l’éducation. Ainsi convient-il au MENFP d’encourager les Institutions de Formation d’Enseignants à intégrer des cours de base en psychologie de l’éducation, docimologie, pédagogie, méthodologie, didactique, etc. dans leur programme d’Études. Cette décision s’avère butoir car, il arrive souvent que certains professeurs ont suffisamment de contenus, mais éprouvent de sérieuses difficultés pour aider les apprenants à apprendre. Ils ne les guident pas assez et malgré tout, au moment des épreuves, ils les proposent les contenus qui se révèlent les plus difficiles à résoudre. En outre, lors de la correction des tests d’évaluation, ils ont un penchant naturel pour attribuer de mauvaises notes aux élèves. Ce qui contribue, dans une certaine mesure, à de mauvais résultats et une baisse significative du rendement scolaire dans nos écoles.

Monsieur le Ministre, l’école haïtienne doit positivement et durablement changer. C’est pourquoi, ASEHA rejette la question d’attribution de permis provisoire d’enseigner qui ne s’appuie que sur la propagande sans aucune volonté réelle de fermer les portes de l’école haïtienne aux personnes dépourvues de formation en Éducation.

Monsieur le Ministre, la reforme de l’école haïtienne doit être corollaire de la reforme au niveau de l’enseignement supérieur en général et plus spécifiquement des programmes de formation en vigueur dans les Institutions de Formation en Enseignement pour répondre aux besoins réels du pays en générale et de l’école haïtienne en particulier.

Voici un résumé détaillé de quelques décisions pouvant aboutir à la transformation réelle, positive et durable de l’école haïtienne.
I) Grille salariale nationale pour tous les éducateurs (privés ou publics):
La grille salariale nationale est un tableau descriptif des niveaux de salaire de toutes les catégories d’enseignants du pays. Cette grille tiendra compte du niveau de formation de l’enseignant, ses années d’expérience et le nombre d’heures qu’il fournit par semaine.
Effets bénéfiques:
1) L’enseignant cessera d’être un vendeur de cours;
2) Il consacrera du temps à la recherche et à la préparation de ses cours;
3) Il aura une meilleure maîtrise des contenus enseignés;
4) Réduction significative des frustrations pour salaires non-raisonnables;
5) Conserver les enseignants les mieux qualifiés dans le système.
II) Carte Nationale de Subvention Scolaire (CNSS):
La Carte Nationale de Subvention Scolaire (CNSS) est une carte qui sera conçue par l’État et distribuée aux parents d’enfants sans emploi ou se trouvant en dessous ou dans le seuil du salaire minimum. Par cette carte l’État subventionnera, au plus, deux enfants par famille. Le contrat sera signé, chaque année, entre l’État, les deux (2) parents de l’enfant et le directeur de l’établissement scolaire accueillant l’enfant. L’intégration, dans cette carte, l’empreinte de l’élève, celle de ces parents et du directeur de l’établissement scolaire permettra de contrôler l’efficacité des subventions accordées aux élèves.
Effets bénéfiques:
1) Diminution des renvois pour les retards de paiement;
2) Début de la politique démographique de l’État haïtien;
3) Réduction significative des subventions bidons envisagées;
4) Assurer une régularité dans le paiement des frais de scolarité et du traitement des enseignants.
III) Implication du MENFP dans le processus du recrutement des enseignants tant du secteur public que du secteur privée.
Le MENFP doit être la seule instance apte à autoriser l’intégration d’un enseignant dans le processus enseignement/apprentissage. À la fin de sa formation comme professeur, l’étudiant finissant s’adressera au MENFP qui lui délivrera un permis l’habilitant à enseigner. Puisque l’éducation est l’affaire de l’État, pour tout besoin de recrutement, l’institution scolaire s’adressera au MENFP qui lui fournira la liste des professeurs en attente d’embauche. Pour faciliter l’intégration des jeunes, l’État doit être strict sur l’âge de la retraite.
Effets bénéfiques:
1) Réduction significative de faux enseignants ;
2) Susciter de l’intérêt pour la formation des professeurs ;
3) Meilleure mise en œuvre des politiques publiques d’éducation.
IV) Meilleures infrastructures scolaires équipées de matériels adaptés.
L’État veillera à établir un partenariat avec toutes les écoles privées existant actuellement dans le pays pour améliorer leurs infrastructures selon les normes éducatives. Ces écoles seront encouragées à s’approprier des matériels nécessaires à leur fonctionnement. L’État fera de même pour les écoles publiques. Toute implantation de nouvelles institutions scolaires doit répondre au programme national pour l’augmentions de l’offre scolaire. C’est à l’État d’indiquer, selon les données disponibles sur la croissance démographique, les milieux nécessitant l’établissement de nouvelles infrastructures scolaires. Les nouvelles écoles seront dotées de meilleures infrastructures scolaires dotées de cours spacieuses, terrains multisports, laboratoires, jardins botaniques et matériels technologiques adaptés aux nouvelles donnes éducatives
Effets bénéfiques:
1) Meilleures infrastructures scolaires équipées;
2) Réduction significative du nombre d’écoles anarchiques et des écoles non-enregistrées au MENFP;
3) Rationalisation de l’offre scolaire.
V) Service minimal pour un coût minimal:
Dans le but de mieux contrôler la détermination du coût des études, l’État définira un ensemble minimal de services que doivent fournir les institutions scolaires. À cet ensemble de services minimal sera attribué un frais minimal. Les prix seront ajustés pour chaque service supplémentaire ajouté. Ces prix seront également ajustés périodiquement par rapport au taux de l’inflation.
Effets bénéfiques:
1) Contrôle efficace des conditions d’augmentation des frais scolaires;
2) S’assurer de la disponibilité de certains services aux enfants.
VI) Amélioration de la qualité de l’enseignement dispensé dans les zones reculées
Pour s’assurer que tous les enfants du pays aient les mêmes chances pour se former adéquatement, l’État doit créer des conditions favorisant la répartition des diplômés venant des institutions d’État de formation des enseignants à travers les zones reculées. Ces conditions peuvent se résumer en avantages sociaux supplémentaires par rapport aux autres enseignants travaillant dans les milieux situés à proximité des villes.
Effets bénéfiques :
1) une éducation de qualité au profit de tous;
2) intégration des nouveaux diplômés des institutions d’État de formation des enseignants;
3) Réduire la concentration, dans les centres urbains, des professeurs formés.
VII) Renforcement de l’inspection scolaire nationale
L’inspection scolaire doit être renforcée par le recrutement d’inspecteurs parmi les éducateurs faisant preuve d’honnêteté au niveau des écoles. Par des visites improvisées et régulières dans les écoles, les inspecteurs surveilleront la conduite du processus enseignement/apprentissage en incitant les enseignants à mieux préparer leurs cours.
1) De meilleurs inspecteurs, pour de meilleurs supervision;
2) Accroissement du rythme d’inspection et de supervision du travail réel accompli dans les salles;
3) Meilleur contrôle du processus enseignement/apprentissage;
4) Meilleures qualités d’enseignement pour de meilleures qualités d’apprentissage.
VII) Accompagnements psychosociaux et sanitaires
Les enfants confrontés à des difficultés ou des troubles d’apprentissage doivent recevoir des accompagnements psychosociaux afin de poursuivre normalement leur cheminement scolaire. Ainsi, chaque école doit disposer d’un psychologue ou d’un travailleur social chargés de prendre en charge de tels enfants. Chaque école doit avoir également une infirmerie chargée de prodiguer des soins aux cas d’urgence survenus en son sein.
1) Dépistage et accompagnement des apprenants en difficultés.
2) Dépistage et orientation d’apprenants en situation de déficience intellectuelle.
3) Meilleure compréhension des causes psychologiques préalables aux échecs des apprenants.
VIII) Cafétérias dans les écoles.
Les écoles doivent disposer de cafétérias pour se restaurer au besoin. Beaucoup d’élèves avouent aller à l’école sans rien prendre. Il est prouvé, dans certains endroits, que beaucoup d’élèves doivent marcher des heures avant d’arriver en classe. Ainsi, arrivés en classe, ils éprouvent non seulement des sensations de faim, mais également de la fatigue physique. L’ouverture de cafétérias dans les écoles permettra aux élèves les plus nécessiteux de trouver quelque chose à manger à un prix plus abordable au moment du processus enseignement/apprentissage.
1) faire le lien entre éducation et nutrition;
2) Encourager les élèves à rester en classe;
3) Augmenter la motivation scolaire.

Lire aussi:  Pétition: Signature de la note de Plaintes de la CIDPSH à la CPI contre Madame Helen Lalime, le Core Group et le Gouvernement haïtien pour crime contre l'humanité en Haïti et non assistance à une population en danger

L’Action Syndicale des Enseignants d’Haiti (ASEHA) croit fermement que la mise en application de ces mesures débouchera sur la transformation réelle et positive de l’école haïtienne en général et à la valorisation du métier d’enseignant en particulier. Qu’un vent nouveau jour luit sur Haïti! Vive la RÉPUBLIQUE!
Pour ASEHA:

Samuel PIERRE
Coordonnateur national de l’Action Syndical des Enseignants d’Haïti (ASEHA)
Diplômé au CFEF de Port-au-Prince, spécialisation: Français/Sciences Sociales
Licencié en Psychologie à la Faculté des Sciences Humaines de l’Universite d’État d’Haiti
Diplômé en Communication à l’Académie Nationale de Journalisme et de Communication
Mastérant en Histoire, Mémoire et Patrimoine à l’Institut d’ Études et de Recherches Africaines d’Haiti de l’Universite d’État d’Haiti
Mastérant en Psychologie du Développement de l’enfant et de l’adolescent à l’Universite Franco-Haitienne du Cap Haïtien

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