SOCIETE

Analyser en profondeur tout en énumérant les causes fondamentales de la pauvreté en Haïti

Depuis un certain nombre d’année, Haïti ne cesse de plonger dans une situation de misère créant le désespoir chez une grande partie de sa population. Les conditions dégradantes auxquelles font face les haïtiens suscitent de nombreuses réactions tant au niveau de l’opinion du sens commun qu’au niveau des recherches scientifiques. Selon la banque mondiale, le Produit Intérieur Brut(PIB) par habitant pour l’année 2021 est de 1815 USD. Avec ce chiffre, Haïti possède le plus faible PIB de la région d’Amérique latine et des Caraïbes. Or la moyenne qui prévaut dans la région est de 15 092 USD. L’indice du développement humain de l’ONU révèle qu’Haïti occupe 170 sur 189 pays les plus pauvres de la planète. En 2019-2021, le taux de chômage a déjà atteint la barre des 30%, selon l’économiste Enomy Germain. Le secteur informel représente 80% de l’emploi en Haïti. D’après le programme alimentaire mondial (PAM), la population haïtienne est en proie à un niveau très élevé d’insécurité alimentaire et de malnutrition, les estimations du Cadre intégré de classification de la phase humanitaire et de la sécurité alimentaire (IPC), révèlent qu’environ 4,5 millions d’haïtiens soit 45 % de la population souffrirait de la faim .Parmi ces gens, 1,3 millions seront en situation d’urgence entre Mars et juin 2022. Pour la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire, le coût mensuel du panier alimentaire de base (haricots, farine de blé, riz, maïs, sucre et huile végétale) est passé de 20 à 30 dollars. En 24 mois le prix du pain n’a fait que quintupler. En ce qui concerne la scolarisation, l’UNICEF affirme que seuls 68% des enfants Issus des familles les plus pauvres fréquentent l’école primaire pour un taux de 92% chez les ménages les plus riches. En dépit de ces indices alarmants, le pays a de nombreux potentiels qui pourraient l’aider à intégrer le rang des pays développés. Sur le plan agricole, selon la FAO le pays possède une superficie arable estimée à 780 000 ha (FAO, 2005) et une superficie irrigable de 143000 ha .Le climat et l’environnement sont très favorable à l’exploitation d’un très grand nombre de culture. Sur le plan touristique, Haïti possède de nombreux atouts pouvant lui permettre d’attirer de nombreux visiteurs chez lui : des belles plages, des grottes, des cascades et un immense patrimoine culturel et historique. Sur le plan minier, le sous-sol du pays regorge de nombreuses ressources naturelles qui sont d’une rareté dans le monde et dont l’exploitation rapporterait des milliards de dollars. Face à tous ces avantages que possède Haïti, comment pouvons- nous expliquer sa pauvreté ? Autrement dit, quelles sont les conditionnalités productrices de cette dernière ? Ces questionnements nous amènent à adopter le plan suivant :
1- Une compréhension du concept de pauvreté
2- Des fondements de la pauvreté en Haïti
2.1- Fondements historiques
2.2- Fondements culturels
2.3- Fondements politiques
1- Pauvreté comme concept
Le concept de pauvreté devient récurrent depuis les années 90 au sein des organisations de développement (Benicourt ,2001). En effet, en 1990, la banque mondiale consacre pour la première fois le rapport sur le développement dans le monde. A l’issue de ces travaux, la question de la pauvreté allait être abordée. Pour le PNUD :«la pauvreté n’est pas un phénomène unidimensionnel – un manque de revenus pouvant être résolu de façon sectorielle. Il s’agit d’un problème multidimensionnel qui nécessite des solutions multisectorielles intégrées » [2000a : 34]. De même, la Banque mondiale affirme que la pauvreté a des « dimensions multiples », de « nombreuses facettes » et qu’elle est « la résultante de processus économiques, politiques et sociaux interagissant entre eux dans des sens qui exacerbent l’état d’indigence dans lequel vivent les personnes pauvres » [BM 2000 : 1]. L’organisation des nations unies pour le développement ( PNUD) distingue «l’extrême pauvreté», «la pauvreté générale» et la« pauvreté humaine» d’où,« une personne vit dans la pauvreté extrême si elle ne dispose pas des revenus nécessaires pour satisfaire ses besoins alimentaires essentiels – habituellement définis sur la base de besoins caloriques minimaux […]. Une personne vit dans la pauvreté générale si elle ne dispose pas des revenus suffisants pour satisfaire ses besoins essentiels non alimentaires – tels l’habillement, l’énergie et le logement – et alimentaires ». La « pauvreté humaine », quant à elle, est présentée comme l’« absence des capacités humaines de base : analphabétisme, malnutrition, longévité réduite, mauvaise santé maternelle, maladie pouvant être évitée » [PNUD 2000a : 19]. Wagle(2002) avance trois critères pour dissocier les pauvres des nons pauvres. Le premier critère est celui du Bien-être économique, ce critère est défini par rapport au revenu, à la consommation et la qualité de vie. Le deuxième critère est celui de la capacité. Ce critère va au-delà du bien-être économique, il englobe tout ce qui est lié à l’éducation et à la santé. Le dernier est celui de l’exclusion sociale qui s’entend comme la situation où certaines personnes sont exclues des activités économiques, sociales, politiques et culturelles
. Qu’en est-il de la situation d’Haïti considéré comme un pays pauvre? Quelle est l’opérationnalité du concept de pauvreté dans le pays?
Une certaine conception aborde la pauvreté d’Haïti comme un choix politique fait par les élites haïtiennes (Émile, 2018) Cependant tout un ensemble de facteurs d’ordres historiques, culturel et politiques sont à prendre en compte pour appréhender la complexité de cette question. Les parties suivantes font un panorama des conditionnalités des fondements de la pauvreté en Haïti. Ce travail est loin d’être exhaustif mais son intelligibilité est à considérer pour mieux avoir une vision sur la question à étudier. D’où à chaque grand point un ensemble de sous point est utilisé pour rendre limpide nos propos.

2- Fondements historiques de la pauvreté
Haïti devient le premier pays à sortir du joug du système esclavagiste, colonialiste et raciste imposé par les colons européens depuis la fin du XVe siècle en Amérique. Cette libération est le fruit d’une très longue année de résistance face à l’oppression. Face à un monde dont l’économie reposait sur la déshumanisation d’un groupe humain par un autre, les héros de l’indépendance haïtienne ont dit «non»! Et ont proposé une autre perspective au monde qui est celle de la liberté pour tous. Ce nouveau paradigme proposé par Haïti n’était pas la bienvenue pour les oppresseurs, d’où un grand nombre d’ennemis vont empêcher le développement de la nouvelle nation en imposant : le blocus, la contrebande et des indemnités.

a) Le blocus
Le nouvel État en Haïti ne bénéficiait ni de l’égalité ni de légitimité sur le plan international. Sa présence ne faisait que nuire le système dominant de l’époque. Malgré la volonté de la nouvelle nation de répandre la liberté dans les autres colonies de l’Amérique latine et des Caraïbes, la France a dû imposer un embargo sur les haïtiens en vue de les reconquérir et de les laisser cuir dans leur jus( Pierre Étienne,….)

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b) Contrebande
Après 1804 le blocus international imposé par la France sur Haïti interdisait tout autre pays d’entrer en relation avec le nouvel État. En février 1806, les Etats-Unis sont interdits de commercer avec Haïti (Nicholls, 1978).Cette situation va donner une nouvelle orientation à l’économie haïtienne, le pays va devoir négocier avec des contrebandiers pour pouvoir survivre sur le plan économique. Ce fait est l’origine lointaine du système de corruption observée dans nos différentes douanes.

c) Indemnité
L’isolement de la nouvelle nation haïtienne l’a contraint de prendre des décisions compromettantes. L’une de ces décisions est celui de la dette de l’indépendance imposé par le régime de Charles X en 1825 en vue d’accepter de commercer avec Haïti. 150 000 000 de francs devaient verser par le gouvernement de Boyer. Alors que le pays ne disposait pas d’une telle ressource financière, l’administration haïtienne au système financier pour commencer à payer la dette. Haïti mettra plus d’un siècle avant d’achever cet emprunt, cela a eu de graves conséquences sur la paysannerie haïtienne. Par ailleurs, en 1914 La National City Bank a extorqué les réserves d’or trouvées à la Banque Nationale, une année plus tard l’oncle Sam impose son protectorat sur Haïti en vue de contrôler son finance. Ces événements ont grandement contribué à l’appauvrissement du pays

2.2- Fondements culturels
Les fondements historiques ne sont pas isolés dans la compréhension de la pauvreté en Haïti, ils s’accompagnent d’un certain nombre de facteurs culturels qui orientent les actions des haïtiens dans la vie de tous les jours. Les fondements que nous avons repérés sont loin d’être exhaustifs. Ils se divisent en trois points : l’aliénation culturelle, la culture de la ruse, la religion.

  • Fondement lié à l’aliénation culturelle

Une définition du dictionnaire français comprend l’aliénation culturelle comme le fait d’:« accorder peu de valeur à sa propre culture et opter plutôt pour la culture dominante» Selon Fanon ( 1952 ) cette réalité est celle de tous les colonisés. Les conséquences de l’aliénation sont désastreuses. En Haïti elle prend des proportions inimaginables, la dépigmentation de la peau , le rejet de nos valeurs culturelles, une éducation inadaptée et tournée vers l’extérieur, une incapacité à promouvoir le développement avec des modèles endogènes ,la valorisation de la parole des blancs comme seule porteuse de civilisation, de savoir et de savoir-faire.

  • Fondement lié à une culture de ruse

La ruse est au fondement même de la culture haïtienne, elle pourrait être considérée comme l’une des tares coloniales (Placide, 2004). C’est une société où l’hypocrisie domine presque toutes les sphères : « Plimen poul la men pa kite l fè bri». L’haïtien ruse avec tout, il se croit plus malin que tout le monde, d’où cette propension à faire de Malice une figure emblématique de l’intelligence. C’est pourquoi , il y a toutes ces corruptions au sein de l’administration publique. Ainsi, un candidat est obligé d’avoir recours à tous les mensonges possibles et imaginables pour atteindre le pouvoir : « M ap bay kouran 24/ 24 nan dezan» , « Lè m rive prezidan N ap fòme doktè nan dezan»[ …] « Nou gen Kay sou dlo» […] « Nou gen aparèy pou n booké van» […] De plus la rue de Port-au-Prince regorge de sirène et de jirofard, à croire que nous sommes dans une République où l’urgence est prioritaire , pourtant l’occupant du véhicule peut être un grand fonctionnaire qui se rend chez l’une de ses concubines ou chez ses amis.

  • Fondement lié à la religion
    En Haïti les religions consistent à fragiliser de plus en plus la société haïtienne, les haïtiens deviennent de plus en plus méfiant par rapport aux autres parce qu’ils ne pratiquent pas la même religion. Ce qui fait les communautés ont souvent du mal à se mettre ensemble sur un projet lié au développement à cause des divergences idéologiques existant sur le plan religieux. Par ailleurs, les messages liés à la résignation prêchés dans beaucoup d’églises consistent à faire de l’haïtien un citoyen passif ne participant pas à l’amélioration de la situation de son pays.

2.3- Fondement politique
Sur le plan politique, la façon de diriger le pays, de concevoir l’Etat et d’organiser la société constituent un enjeu central dans la pauvreté d’Haïti. Dans un premier temps, l’Etat ne remplit pas le rôle de distributeur des richesses au sein de la société. En Haïti, une grande majorité de la population végètent dans la misère alors qu’une minorité dont pour la plupart sont des étrangers détient la quasi-totalité des richesses du pays. Ces gens s’opposent à création d’une bourgeoisie nationale. De préférence, ils importent des produits de mauvaises qualités, ils font de la contrebande, vendent des armes et des munitions et prennent les sphères stratégique de l’État en otage. Par ailleurs, les modes opératoires de la conquête du pouvoir consistent à augmenter la violence politique en armant les jeunes des quartiers défavorisés et en faisant de la corruption à grande échelle. Or les priorités du pays ne sont jamais prises en compte, les politiques commerciales ne prennent pas en compte nos potentiels agricoles. Les dirigeants préfèrent d’abandonner la production du riz de l’Artibonite pour devenir l’un des plus grands clients des riz américains

En somme, ce travail consistait à déterminer les causes de la pauvreté en Haïti. Pour traiter de cette question nous fait une mise en contexte de situation socio-économique du pays, les indices prouvent que la situation est très alarmantes. Toutefois les potentialités du pays sur différents points sont très prometteuses. D’une part une situation alarmante, d’autres part des potentialités salvatrices, il y a donc lieu de comprendre ce hiatus. C’est pourquoi, il nous incombait de saisir les conditionnalités de la pauvreté dans le pays à partir des fondements historiques, culturels et politiques. Chaque point développé entretien un rapport avec les autres au point que nous ne pouvons pas déterminer ce qui serait à l’origine de l’autre. Donc résoudre le problème de la pauvreté nécessiterait que l’on prenne en compte ces différents facteurs en vue d’avoir un pays prospère.

Bibliographie

Bellegarde D (2015), La Résistance Haïtienne, l’occupation américaine d’Haïti, Fardin.
Benicourt E (2001) , La pauvreté selon le PNUD et la Banque Mondiale . https //: doi. org / 10.4000 etudesrurales
Émile E (2017) Haïti a choisi de devenir un pays pauvre
Fanon F(1952) Peau noire masque Blanc, Paris, Seuil.
Nicholls D(1978) Race, couleur et indépendance en Haïti (1804-1825), Revue d’histoire moderne et contemporaine , 1978.
Placide D (2004), l’Héritage coloniale en Haïti
Pierre Étienne S (2007) L’énigme haïtienne, échec de l’État moderne en Haïti, Montréal, mémoire d’encrier
Rapport de la Banque Mondiale 2021
Rapport de la FAO 2005
Wagle U(2002) Repenser la pauvreté : définition et mesure https//cairn info page 175 à 186 #: 171
http://www.haïtilibre.com: 20% des enfants haïtiens de 6 à 10 ans ne sont pas scolarisés
Le Nouvelliste, Une revue de l’année économique 2020-2021, rédigé par Enomy Germain le 30/092021

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