EDUCATION

Le livre unique du MENFP et la caractéristique légale et pérenne de cette décision étatique

Après avoir rédigé un cahier de charges sur les besoins de l’éducation haïtienne, le MENFP a pris la décision d’élaborer et d’imprimer un livre didactique unique, le 30 juin 2022. Cet ouvrage d’enseignement et d’apprentissage est écrit en créole pour faciliter l’apprentissage des élèves dans leur langue maternelle, et comprend les cinq matières de base permettant à l’enfant de s’approprier des valeurs et de la logique de son environnement social et naturel.

Rappelons que c’est une décision gouvernementale qui cadre avec les lois constitutionnelles relatives à l’usage de la langue maternelle dans le système d’enseignement haïtien. Un million d’exemplaires sont déjà en distribution dans les écoles urbaines et rurales pour les classe de la première et de la deuxième année, selon les récentes déclarations du chef de MENFP, qui annonçait que les manuels destinés aux classes supérieures seront rédigées progressivement.

Au regard de la constitution et du taux d’échec scolaire du à l’insécurité linguistique des créolophones dans un système francophone, des palmes devraient être jetés pour saluer cette initiative. Mais, quelle est l’essence et quel est l’avenir d’une telle décision par rapport à la législation sur l’élaboration des manuels scolaires et la tradition de l’absence de continuité des programmes gouvernementaux qui ne s’inscrivent pas toujours dans la logique de décision étatique ?

En effet, aucune loi n’a été publiée pour accompagner la décision d’intégrer un livre unique, rédigé en créole, dans le système éducatif haïtien ayant une tradition d’enseignement dans la langue française. Tandis que les différents débats réalisés sur le lien entre l’éducation et la langue par les chercheurs haïtiens n’ont pas omit de toucher les fondements d’une réforme éducative par l’usage de la langue et la rédaction des manuels didactiques correspondants à la langue des locuteurs-élèves et les lois y relatives. Une proposition de loi sur l’aménagement linguistique a été élaboré, mais n’a jamais pu bénéficier les bonnes grâces des différentes législatures, depuis la catastrophe naturelle du 12 janvier 2010. Pradel Pompilus avait été un pionnier sur la question et Robert Berrouet Oriol avait pris la relève avec l’expression technique d’aménagement linguistique.

Lire aussi:  Des élèves du lycée national de Pétion-Ville formés aux « Gestes qui sauvent »

Cette décision gouvernementale rappelle le programme de PSUGO, commandité par l’actuel chef du MENFP Nesmy Manigat en 2011, qui était ministre de l’éducation nationale sous la présidence de Michel Joseph Martelly. Le PSUGO avait été appliqué éphémèrement, sans aucune base légale, logistique, et sans mettre à la disposition des acteurs du système éducatifs les compétences appropriées à la réalisation effective d’un programme d’éducation pour tous, selon les vœux de la constitution haïtienne. Et les seuls souvenirs que l’opinion publique en garde est le scandale de la corruption dont certains acteurs impliqué dans ce programme ont été accusés.

Même s’il s’agit d’un fait décisionnel favorisant certains éditeurs, imprimeurs, et distributeurs du marché des livres scolaires, l’initiative du livre unique s’accuse d’être inefficace et inefficient par rapport à la gouvernance administrative par la légalité des actions de l’État. En effet, une telle décision, pour durer dans l’histoire de l’éducation nationale haïtienne devrait s’enraciner dans la législation haïtienne, impliquant donc la reprise et la continuité de celle-ci par les gouvernements successifs.

Par ailleurs, la mobilisation des compétences ne doit pas négliger une partie des acteurs du système, incluant les linguistes, les traducteurs, les enseignants des matières de l’apprentissage disciplinaire, les philosophes de l’éducation, les sociologues, les juristes, et les historiens de l’éducation qui doivent faire ressortir tous les paramètres nationaux, historiques, pédagogiques, donnant à cette initiative son caractère étatique et pérenne.

L’éducation devant rester une affaire d’État et s’exprimer dans les lois, et faire toujours appel à la vision des gouvernements et des partenaires des différents secteurs nationaux et internationaux, espérons que l’introduction d’un livre unique dans le système éducatif soit toujours les résultats de réflexions et de la participation de tous les acteurs compétents et sérieux.

6 octobre 2023

CHERISCLER Evens

Journaliste et Enseignant

Réformons l’éducation pour former de meilleurs citoyens et nationaux !

Partagez l'info
Bouton retour en haut de la page

En savoir plus sur LA QUESTION NEWS

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading