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Analyser en profondeur, en énumérant les causes fondamentales de la pauvreté en Haïti

• Introduction

Ces dernières décennies, Haïti est traversé par une crise multidimensionnelle aigue. Instabilité politique, violence des hommes armés, inflation, misère, le chômage… sont d’autant d’éléments qui constituent l’expression de cette crise que connait la population haïtienne dans sa globalité. Alors nombreux auteurs avec des approches et de conceptualisations différentes tentent d’appréhender et d’expliquer ces conditions sociales concrètes globales que vivent les masses en Haïti.

D’un côté, il y a un groupe d’auteurs et/ ou d’institutions qui qualifie ces conditions de pauvreté en accentuant sur des indicateurs économiques et des rapports réalisés en Haïti. Cette démarche prend en considération l’aspect structurel et montre combien les individus sont responsables de leur destin. Elle s’inscrit dans une perspective économiciste qui ne tient pas compte des relations sociales à la base de ces structures. Cette conception qui fait corps à l’idéologie dominante est une panacée pour les pays du Tiersmonde afin d’en proposer une lecture et des solutions à ces situations concrètes d’existence.

De l’autre côté, il y a une approche critique (non homogène) qui prend en considération les contradictions internes, la dynamique de mondialisation et d’impérialisme, les rapports socio-historiques, la spécificité de la société… afin d’appréhender les conditions socio-économiques difficiles aux quelles les haïtiens font face. Alors par rapport à ces deux tendances et deux perspectives différentes, quelle est la perspective la plus appropriée qui nous permet d’analyser en profondeur les causes de ces situations alarmantes se trouvent la majorité de la population haïtienne ? Et dans quelle perspective on peut parler de pauvreté ? En effet pour répondre à ces deux questions nous allons d’abord opérationnaliser l’approche structurelle et individualiste en accentuant sur quelques données concernant Haïti, ensuite analyser la situation globale haïtienne à partir de l’approche critique (socio-historique) et enfin montrer laquelle est plus pertinente dans notre travail.

• Développement
Chez les économistes classiques la notion de pauvreté est purement individuelle. Pour Jean-Marie Chevalier cité Malthus et Adam Smith: « la prospérité des nations repose sur notre disposition à la poursuite des richesses ». Les pauvres sont responsables de leur situation et ne voient aucun inconvénient à ce qu’ils sortent de la pauvreté, à condition ce que soient par leurs propres moyens et en respectant la règle du jeu de la poursuite des richesses2. Dans ce cas c’est le marché qui autorégulateur, l’Etat a pour fonction de s’investir dans les dépenses sociales les plus couteuses, comme les infrastructures, l’école, routes…

La pauvreté est considérée comme une situation dans laquelle un individu se trouve dans l’incapacité de satisfaire ses besoins. Chez Francis, la notion de pauvreté est un gaspillage de vies humaines . Considérant cette approche comme l’insuffisance de la mise en valeurs des ressources existences . En outre, « la pauvreté correspond à la non satisfaction des besoins, la sous-production provoquée par une insuffisance des force productives et en tant que constitutive du sous-développement, qui lie à la faible valeur du produit national brut par tête d’habitant » […] a cité Jean Yves Despinas dans Lacoste Yves. En renforçant cette analyse le PNUD conçoit la pauvreté comme un phénomène multidimensionnel qui, en la rattachant à la notion de développement humain, représente selon lui l’élargissement des possibilités et des choix offerts aux individus . Dans le rapport de PNUD, il appréhende la pauvreté par un indicateur : l’IHP (indicateur de pauvreté humaine). Inscrit dans la même perspective de dimensions multiples de la pauvreté la Banque Mondiale affirme que : « la résultante de processus économiques, politiques et sociaux interagissant entre eux dans des sens qui exacerbent l’état d’indigence dans lequel vivent les personnes pauvres7 ». Bien que, le rapport de la Banque Mondiale est accentué sur la pauvreté monétaire, ce qu’impliquent les types de pauvreté abordent par la banque Mondiale sont donc particulièrement centres sur l’aspect monétaire, d’où la nécessite de son indicateur : (IDH : indice du développement humain) du point économique.
Selon le Programme des Nation Unies pour le Développement (PNUD) Haïti est placé 167e sur 174 pays en 2002 . Dans cet ordre d’idée, le rapport de la Banque Mondiale publié en 2012 sur la vulnérabilité des haïtiens, relève plus de cinquante-huit pourcent (58%) haïtiens vivent dans des conditions d’extrême misère, certains d’entre eux ne parviennent pas à subvenir à leur besoin alimentaire . Ainsi, ces conceptions libérales/néolibérales et dominantes sur la pauvreté embrassent toute une vision du monde et elles sont liées à des préceptes structurels et endogènes comme : la mauvaise gouvernance, la corruption, l’insécurité, analphabétisme, le taux de natalités élevés, le chômage, manque de production etc…

Cependant, une autre approche est fondamentale pour l’explication de ces conditions sociales. Ce qui revient à la théorie de la dépendance (avec Samir Amin, Gérard Pierre-Charles…) qui nous permet de comprendre la situation de « pauvreté » ou de « sous-développement » d’Haïti au regard des rapports socio-historiques de domination. De ce fait, nous allons présenter les moments et les mécanismes sociohistoriques qui ont accouché les conditions sociales des masses d’aujourd’hui.

L’un des premiers faits historiques importants pour comprendre la question de la « pauvreté » en Haïti c’est l’implantation du système colonial et esclavagiste à Saint-Domingue pendant III siècle d’environ. Ce système d’exploitation basé sur la traite des noirs et implanté depuis 1492 est devenu ainsi l’une des principales sources de revenu de la métropole française. A cette époque Haïti comptait parmi les colonies le plus riche. Les mercantilistes (capitalistes) lancent la commercialisation des exotiques, principalement le sucre . Toutes les richesses produisent par la colonie ont pour destination la métropole, ce qui explique la nécessité : d’infrastructure- d’éducation- d’industrialisation- … ne font pas l’objet d’intérêt sociale et économique de la métropole, puisque l’espace coloniale était surpeuplé de nègre.

Incapable de tenir la route, à la veille du XIXème siècle ce système de grande plantation va détruire par le grand mouvement révolutionnaire des captifs et permet à la nation haïtienne de se naitre avec un autre projet de société : libète ak byennèt pou tout moun. Mais, avec la mort de Dessalines, la société dans ses rapports de classes va continuer sur les mêmes rapports sociaux de domination établis par la colonisation.
Deuxième fait historique important, c’est que plus tard, sous prétexte de reconnaissance de l’indépendance d’Haïti le gouvernement français exigeait à Jean Boyer de payer une indemnité estimait à 90 millions francs or, une nouvelle forme de transfert de richesse vers l’extérieur. Cette décision vient d’enfoncer le pays dans la crise économique, sociale de la jeune république qui obligeait des emprunts aux banques étrangères à des taux d’intérêt élevés. Ces emprunts vont enrichir ces banques et vont grandement affecter l’économie haïtienne. Ce qui fait, la situation de la jeune nation devient plus chaotique, le système monétaire se vit secouer de crises perpétuelles : d’évaluation, émission non contrôle de papier-monnaie, circulation de diverses monnaies étrangères . Alors après d’un siècle de l’indépendance, Haïti continue à exporter ses richesses vers l’occident. Encore un nouveau record enregistré en faveur du sous-développement.
Troisièmement fait et moment c’est l’occupation américaine (1915-1934). Jean Yves Despinas, l’occupation américaine impliqua des mesures légales qui entrainèrent le renforcement de la pauvreté haïtienne. La convention du 16 septembre 1915 qui conféra à l’occupant le pouvoir et la mainmise sur les douanes et le bureau de collectes de revenus du pays. Sous l’autorité de la loi du 21 décembre 1922, les compagnies agricoles américaines pouvaient prendre en bail à long terme les terres libres appartenant à l’Etat. La loi du 14 aout 1928 créant une taxe élevée sur le clairin. La loi du 28 juillet 1928, les terres appartenant à l’Etat pouvaient être vendues à des compagnies américaines . Toutes ces lois s’inscrivaient dans une perspective d’appauvrissement national, par conséquent l’occupation a causé : le taux d’analphabétisme, l’expropriation des paysans, la ruine des propriétaires des guildives, main d’œuvre à bon marché en faveur des compagnies américaines, etc. Tous ceux-ci impliquaient dans l’appauvrissement d’Haïti. Ainsi, les occupations traduisent le mépris manifesté par les puissances impérialistes en vue de dominer la société haïtienne et de d’occulter la contribution du peuple haïtien dans l’histoire de l’humanité.

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Selon, des constats faits par Yves Barthélemy, avec l’arrivé de la politique d’ajustement Structurel dans les années 1980, presque tous les secteurs de développement sont affaiblis. Ce programme d’ajustement structurel est accompagné d’un ensemble de mesure comme la libéralisation de marché, la privatisation des entreprises publiques et la venue de la démocratie libérale. Chez Joachim : « la classe dominante en Europe occidentale et en Amérique du Nord s’est orienté vers une recolonisation du sol haïtien, vers une politique d’échange inégal, en utilisant, pour faire triompher ses objectifs, des moyens de pression parmi lesquels la diplomatie de la canonnière occupait le rôle principal » […]. Despinas aborde la logique libéralisation dans un sens de sous-production, en effet il montre dans son ouvrage : « qu’à partir de 1980 la réduction de la production et des ventes affectant le produit intérieur brut qui réduit de 7,4% en 1980 à 2, 9% à l’année suivante ».

Ainsi, cette approche critique nous permet de comprendre les conditions sociales d’aujourd’hui (considéré comme pauvreté) à partir de la formation sociale haïtienne. D’où l’histoire nous révèle que la situation dont nombreux haïtiens font face d’aujourd’hui est la résultante de différents mécanismes de domination et d’exploitation qui ont été introduits par les occidentaux ou les impérialismes sous la complicité des classes dirigeantes haïtiennes.• En guise de conclusion

Pour comprendre les conditions sociales d’existence des masses d’aujourd’hui, il nous faut d’abord réfléchir sur le concept de pauvreté dans sa charge épistémologique et idéologique en montrant ces limites, car les théoriciens de la pauvreté s’inscrivent généralement dans une vision du monde, englobant toute une réalité politico-économique de domination. Ce qui nous permet de dire qu’il s’agit d’appauvrissement d’une classe sociale dans la société haïtienne. Parce que cette situation qualifiait de pauvreté n’est pas homogène dans la société. Il existe des catégories ou de classe de gens en Haïti qui vit dans une condition meilleure au dépend du reste de la population. Ce qui fait la théorie la mieux adaptée pour comprendre les conditions sociales infrahumaines est la théorie de la dépendance. C’est-à-dire la question de chômage, la mauvaise gouvernance, corruption, insécurité alimentaire… sont secondaires pour comprendre la société dans sa globalité. Or, les rapports sociaux de production, les enjeux de la communauté internationale, l’intérêt de l’oligarchie haïtienne, les inégalités sociales, la marginalisation du populaire, le rôle des organisations non gouvernementales, sont d’autant importants pour comprendre la réalité socio-économique actuelle dans dimension historique. En fait, comment peut-on procéder pour une libération émancipatrice de la société haïtienne dans toute sa globalité ?

Référence Bibliographiques:
1- Banque Mondiale, « Haïti, investir dans l’humain pour combattre la pauvreté : élément de réflexion pour une prise de décision informée », 1818 H Street NW, Washington, DC, 2014, page 19
2- Benoît JOACHIM, Les racines du sous-développement en Haïti, Édition Collection « Etudes haïtiennes », Les classiques des CHICOUTIMI, QUÉBEC, 1982.
3- Emmanuel BENICOURT, « La pauvreté selon le PNUD et la Banque mondiale », Études rurales [En ligne], 159-160 | 2001, mis en ligne le 03 janvier 2017, consulté le 10 Aout 2022. URL :
http://journals.openedition.org/etudesrurales/ 68 ;
DOIhttps://doi.org/10.4000/etudesrurales.68
4- Jean Yves DESPINAS, dans Elsa ASSIDON, les théories économiques du développement, Édition la Découverte, Paris, 1992, Ibid., p.24
5- Jean-Marie CHEVALIER, La pauvreté aux Etats-Unis, Édition Presse Universitaire de France, Bibliothèque d’économie Contemporaine, 1971
6- Suzy CASTOR, L’occupation Américaine d’Haïti, Édition, numérique Chicoutimi, Québec, 2019, http://classiques.uqac.ca , 320p.
7- Yves BARTHÉLEMY, Haïti et la mondialisation néolibérale : une nouvelle dépendance coloniale
(1970-2008), Édition, Asosyasyon Inivèsitè Inivèsitèz Desalinyèn, 2008

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Un commentaire

  1. Teks la charye yon paket agiman pou montre tout vre rezon ki lakoz gen povrete nan payi epi li mande pou tout Ayisyen reflechi epi pote solisyon pou konbat povrete sila a. Bravo Mesye Lamour Josué

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