SOCIETE

Violence urbaine et anomisation spatiale : Tentative d’une conceptualisation d’un fait social du milieu urbain de Port-au-Prince

L’espace s’investit de valeurs culturelles par suite des dynamiques des interactions humaines. Et l’aménagement territorial qui reflète ces valeurs n’est que l’expression de la vision des acteurs sociaux sur leurs différents modes de s’établir sur les entités geographiques. Reflétant leur vision, ces entités peuvent aussi conforter et opposer leurs intérêts sociaux et économiques, confort et opposition que traduisent respectivement les concepts de statique et de dynamique sociale.

En effet, la mobilité démographique, dont les causes sont multiples, exige un exercice de contrôle social de la part des autorités publiques politiques et juridiques. Aussi, faut-il la constitution des cadres sociaux et et culturels sécurisés, devant accueillir les populations en mobilité. Les acteurs des milieux ruraux ont besoin d’être intégrés dans les micro sociétés urbaines qui les reçoivent, tandis que dès il s’agit de migration intra urbaine, les acteurs peuvent s’adapter, car ils ont intériorisé les valeurs de la culture urbaine. Cependant, suite à la mobilité démographique, les populations se trouvent confrontés à des difficultés d’intégration et d’adaptation, en raison de l’absence de cadres sociaux, culturels, et économiques. L’incapacité des villes à absorber les flux de populations à loger, à insérer dans les marchés de l’emploi, à éduquer, à soigner, et à qui il faut offrir des loisirs, développe chez ceux-ci des logiques qui nuisent à la croissance harmonieuse des villes. Ainsi, pouvons nous observer un éclatement de l’espace urbain en des entités geographiques disfonctionnelles créant une mixité sociale problématique par rapport à l’exercice du contrôle social public, par rapport aux normes de l’urbanisation et de l’aménagement du territoire ; bidonvilles et quartiers précaires sont générateurs de phénomènes sociaux et politiques réduisant la capacité de contrôle social des pouvoirs publics sur les espaces et les acteurs qui s’y sont logés, et affectant les fonctionnalités de l’ensemble de l’espace urbain.

Depuis environ deux décennies, le département de l’ouest d’Haïti, spécifiquement la ville de Port-au-Prince est devenu le théâtre de la violence urbaine. Progressivement, l’effet de contagion est manifeste dans certaines régions métropolitaines que l’on ne considérait pas historiquement comme des zones de précarité socioéconomique. Les zones de la plaine du cul de sac, les zones littéroles de la baie de Port-au-Prince, les zones périphériques de Pétion-ville se sont transformées en des lieux générateurs des formes de violence qui étaient spécifiques aux quartiers populaires, tels que Bélair, Cité Soleil, Grand Ravine, Savane pistache. Donc, le constat révèle que des phénomènes de dérégulation sociale qui sont originaires de ces quartiers urbains précaires constituent des facteurs de causalité de la précarisation de ces zones qui ont logé historiquement des quartiers résidentiels urbains. Cela nous conduit à soulever une différence entre les appellations » quartiers précaires et quartiers précarisés ». A notre avis, la seconde notion devrait renvoyer aux résultats d’un processus sociopolitique, marquant la progression d’un phénomène de disparution des normes et des valeurs fondant les interactions sociales que provoque une certaine logique de l’urbanisation non planifiée par les pouvoirs publics. Tandis que la première notion soustend précisément cette logique d’acteurs, dont les besoins de logement et d’emploi ne sont pas pris en compte historiquement par l’état, a la suite des diverses phases de la migration géographique des populations rurales. Au fait que les violences urbaines qui en résultent contribuent a l’explication d’une forme de mobilité démographique intra et inter zonales (populations migrant vers d’autres quartiers plus securisés en Ville et vers les campagnes), il faut ajouter que celles-ci provoquent aussi un fait social que nous avons appelé UNE ANOMISATION SPATIALE OU TERRITORIALE de l’espace géographique qui a été socialisé pour se constituer en cadre normatif de l’ensemble des interactions socio-historiques des acteurs. Nous soulignons que le concept d’ ANOMIE chez Émile Durkheim nous inspiré l’élaboration du concept ANONISATION SPATIALE/ TERRITORIALE, auquel nous avons donné la définition suivante :
 » Disparution des valeurs et normes devant constituer les cadres socioculturels de la normalité dans les espaces de socialité des acteurs »
La violence urbaine détruisant toutes les formes d’individuation ( c’est-à-dire, la liberté des acteurs dans les cadres normatifs définis par les déterminismes sociaux), et ne pouvant pas être considérée comme une forme de contrôle social que représente le monopole de la violence légitime de l’état dont parle Max Weber.

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Le 30 janvier 2023
Cheriscler Evens, sociologue

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