SOCIETE

Lettre à mon enfance

À toi qui trotte dans ma tête, qui supporte depuis longtemps ma maladresse. Toi qui a su compter les ruines de notre enfance malgré les coups d’un père absent et les ruisseaux de pleure coulant sur les seins de maman. Je te porte nu dans mon cœur comme maman dans ses doigts.

De nous deux, c’est toi le héros. La vie t’a arraché trop tôt à notre mère. Tu sais, je t’envie parfois. J’aurais voulu vivre un peu dans ta peau. Voir encore le monde à travers tes yeux. Mais comme tu le sais l’âge chemine sur les dérives du temps, comme l’automne cède sa place à l’hiver.
Je crois qu’entre nous, tu étais le meilleur. Toujours joyeux, sans responsabilités. Maman te préfère je crois. Tu lui manques. Elle parle souvent de toi. Elle voit en moi que ton ombre. Elle se plaint. Papa, n’est plus là. Il a fait son petit bonhomme de chemin depuis quelque temps déjà.
Tu sais, je n’ai plus peur du noir. Je ne me cambre plus dans les profondeurs des rideaux. On dirait que j’ai grandi.

Tu sais, j’étais appelé à devenir la meilleure version de toi, mais comment être quelqu’un que nous serons jamais ?  Banale ! J’ai cédé. Je ne vais plus à l’église, maman s’en plaint mais à force de temps elle m’a fichu la paix. Les questions que tu te posais jadis ont refait surface dernièrement et ma foi en Dieu à pris la place de son fils sur la croix. Je t’éviterais les détails.

Ici, tu ne survivrais pas. Le chaos est jouissif. Chaque avenue à déjà connue son lot de cadavre. Moi, dans mon coin je vis entre l’ailleurs et l’enfance. Je fume maintenant, par intermittence ou presque pas, je ne sais pas. Ici, nous avons besoin d’un point d’encrage pour ne pas sombrer. Maman a choisi l’église, mais comme tu le sais maman n’est pas chrétienne, ses propos non plus. Elle tue le nom de papa chaque jour et moi parfois je l’aide au crime. Maman est mon assassin préféré. Elle se remémore tout le temps les bétises de papa et les apportent devant les pieds du Bon-Dieu, pour assouvir sa vengeance. Faut croire que Dieu est à la fois miséricordieux et vengeur. Moi, je m’accroche avec le sourire d’une femme, je l’appelle ma femme fort souvent, un peu d’alcool et une cigarette allumée. J’écris aussi. Je fais de la poésie. Elle me permet de donner vie au verbe, de rançonner l’existence pour ta perte. Je milite également à travers elle, car une vie sans militance est vouée à être inutile et vide. La création littéraire donne cette liberté aux créateurs de sortir du quotidien pour s’affirmer tels qu’ils sont réellement. Néanmoins, cette affirmation doit servir de remontrance à la bêtise humaine. Je suis poète. Tu n’aimerais pas, tu as toujours préféré les maths comme papa, la littérature selon toi était inutile. Comment pouvais-tu penser une chose pareille ? La littérature est le langage commun du monde. Tu aurais dû vivre mon pote. Maman serait beaucoup plus heureuse. Elle serait enchantée d’aller comme autrefois à l’église avec toi. Je suis rebelle. Elle ne se plaint plus pour mes cheveux. Maman ne parle plus.

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Les larmes du passé coulent à l’intérieur. J’essaye de l’aider du mieux que je peux, mais je n’arrive toujours pas à joindre les deux bouts. Tu sais, je n’ai pas ta main innocente qui essuyait ses larmes, je sais que tu pleurais aussi, d’ailleurs tu étais la chaire de sa chaire. Tu aurais voulu prendre son mal, malheureusement non avons tous notre fardeau. Le mien, c’est toi.

Quand est-ce que tu as merdé ?

Calems Fleurit

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