POUR HONORER LA MÉMOIRE DE L’INGÉNIEUR- AGRONOME EDGARD PRÉVILON

Chère Mme Prévilon, chère Guerda,
Chers enfants,
Chère Gabrielle, chères sœurs,
Chers parents, Chers membres des familles Previlon, Vital, Beaudin
Chers collègues, de la FAMV, de l’Université Quisqueya, du Ministère de l’Agriculture, de l’INFP, de la CORPUHA, du Rectorat de l’UEH.
Chers amis, chers invités,

Le départ d’Edgard Prévilon nous a un peu surpris. Nous le savions fragile. Mais il a tellement exhibé sa capacité à maîtriser cette fragilité que son départ nous a un peu pris de court. Dix ans de lutte contre cette maladie. Dix ans de recherche de solutions, et cela jusqu’à la fin, jusqu’au moment où il a dû formuler ses dernières volontés. Dix ans aussi d’accompagnement complice de sa famille, de sa femme, Guerda, en tout premier lieu.

J’aimerais exprimer à sa famille, à Guerda, à ses enfants, à Gabrielle, sa sœur, qui n’a pu être ici aujourd’hui, à tous ses autres proches, toutes les sympathies de l’Université d’État d’Haïti en général et de mon cabinet en particulier. Les sympathies, mais aussi le respect pour cette figure de professionnel, d’enseignant, de gestionnaire, d’homme courageux qu’a été Edgard.

D’autres parleront peut-être de son parcours académique, de sa carrière d’enseignant, notamment à la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire, à l’Université Quisqueya, de sa carrière aussi de haut-cadre administratif de l’enseignement supérieur, de son passage au Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural, des responsabilités dont il eut à s’acquitter à l’Institut National de la Formation Professionnelle (INFP), des nombreux services de consultation qu’il a prodigués ainsi que de ses multiples prestations à différents cabinets de Ministre.

J’ai eu personnellement l’occasion de collaborer avec Edgard à la Conférence des Recteurs et Présidents d’Universités Haïtiennes (CORPUHA) dont j’étais le Président. Je me rappelle encore notre première rencontre de travail. Il venait d’être désigné Secrétaire Exécutif de la Corporation après un appel à candidature. C’était pour la première fois qu’un tel poste allait être comblé.

Nous étions conscients qu’il s’agissait d’un véritable défi. La CORPUHA existait depuis déjà huit ans et se maintenait à partir d’initiatives ponctuelles suscitant les plus grandes expectatives mais était largement limité dans son fonctionnement. Sans cadre, sans balise, sans programme, sans plan mais avec beaucoup de bonnes volontés au sein de l’institution. Edgard devait tout faire, tout créer, tout inventer.

Comment gérer des personnages aussi importants, des Recteurs, aux visions, aux approches et aux intérêts aussi divergents? Comment assurer à l’Association une permanence, une vie au quotidien, en faire une référence pour ses propres membres, pour les composantes de la communauté, pour les partenaires? Comment, sur quels critères et procédures recruter de nouveaux membres? Mais déjà quelle est la meilleure pédagogie à adopter pour porter les membres eux-mêmes à s’approprier correctement de l’instrument et à le valoriser.

En tant que Secrétaire Exécutif de la CORPUHA, Edgard a su déployer tous ses talents d’organisateur. Il a réussi à jeter les bases de l’institutionnalisation de cette Conférence en lui permettant d’exister en dehors des rencontres de ses dirigeants. Il a construit les premiers éléments d’une mémoire institutionnelle. Il était disponible pour rédiger des projets à soumettre aux bailleurs. Il a surtout jeté les véritables bases d’un cadre normatif. Son travail irremplaçable a été salué par tous les responsables de la CORPUHA. Et quand il devait s’absenter, pour les raisons que l’on pouvait imaginer, il travaillait à distance et gratifiait la direction de la CORPUHA d’alors de ses notes et procès-verbaux.

Quand je l’ai invité à rejoindre mon cabinet au tout début de mon second mandat, comme Recteur, sa réponse positive m’avait rempli de joie. Très vite, il a pris ses marques, à la grande surprise et à la grande admiration des collègues qui ne le connaissaient pas encore. En tout temps et sur tous les dossiers à lui confiés, il a toujours fait montre d’une parfaite intelligence des enjeux et se caractérisait par la pertinence de ses propositions, la capacité de comparer différentes modalités existantes et puis une rapidité d’écriture hors du commun!

Point n’est besoin de vous dire que, lorsque nous devions trouver en mai dernier un Secrétaire Exécutif pour le RENES, le Réseau National de l’Enseignement Supérieur Public d’Haïti récemment lancé, c’est à lui que nous nous sommes adressés en premier. D’autant plus que, avec beaucoup d’enthousiasme il nous avait aidés à mettre sur pied cette structure, composée dans un premier temps de l’UEH et des Universités Publiques Régionales (UPR). Avec beaucoup de regret, il a dû décliner l’offre. C’était l’une des rares fois où il avait accepté à nous entretenir de manière sérieuse de son état de santé, qu’il confrontait qu’il affrontait et qu’il cachait même avec beaucoup de stoïcisme.
Il continuait à participer régulièrement aux réunions du cabinet et à y intervenir de manière lucide, si bien que ses récentes absences ont commencé à inquiéter… Jusqu’au jour où nous avons reçu l’annonce de son départ!

Ces expériences de collaboration tant à la CORPUHA qu’à l’UEH nous ont permis de découvrir Edgard sous plusieurs dimensions : un professionnel de très haut niveau, méthodique, rigoureux, créatif, intelligent, adepte de résultats concrets, soucieux, responsable, consciencieux, sérieux, doté d’une capacite de travail extraordinaire. Mais aussi un personnage prestigieux, élégant, pondéré, serein, visionnaire, qui sait toujours là où il va, même quand le chemin peut être sinueux. Et encore, loyal, sincère, authentique, courageux. Ne vous méprenez pas s’il vous apparait comme un technocrate froid et distant. Edgard est un patriote convaincu, qui aime charnellement son pays, notre pays, un cœur généreux, un vir bonus, d’une simplicité et d’une humilité à la mesure de ses talents multiples et exceptionnels.

On a du mal à accepter qu’au milieu de tant de départs souvent forcés, mais inquiétants, de cadres du pays, certaines grandes figures de l’enseignement supérieur haïtien et de notre intelligentsia fassent le grand saut.

Consolons-nous en nous disant que leur exemple, lui, subsistera.

La rigueur et la disponibilité intellectuelles d’Edgard, son envergure personnelle, ses capacités gestionnaires, sa générosité, ses qualités de cœur et d’esprit, elles, demeureront et constitueront pour nous tous une source d’inspiration.

Edgard, mon frère, repose en paix!

Que la terre, la terre d’Haïti, de notre chère Haïti meurtrie mais vivante, te soit légère.

7 octobre 2023

FRITZ DESHOMMES
RECTEUR