EDUCATIONPOLITIQUESOCIETE

Jean-Jacques DESSALINES, le plus grand héros de tous les temps et de l’espace

SIMON Thalita

#0153

Considérations générales

Haïti a accédé à l’indépendance au milieu d’une violence sans limite. Violence de l’esclave face à son maître, violence d’une classe opprimée face à une classe d’oppresseur qui se confondait avec le pouvoir colonial.  Violence de l’africain amené à Saint Domingue, qui parce qu’il se sentait déjà enraciné dans une terre irriguée par sa sueur et son sang, voulait en expulser l’étranger venu d’Europe. Enfin, violence du noir humilié face au blanc ‘’tout-puissant’’.

L’histoire d’Haïti comme celle de certains pays est marquée par des luttes récurrentes, constantes. C’est-à-dire, une bataille contre la domination de l’homme par l’homme. Laquelle domination attaque foncièrement les fondements culturels des peuples opprimés. En effet, sa langue, sa religion, ses croyances sont considérées comme inferieures. De plus, toute entreprise de domination ne poursuit qu’un objectif qui est l’exploitation des ressources des territoires exploités. A titre d’illustration, durant la période esclavagiste la bourgeoisie commerciale et financière française vivait de la sueur de nos ancêtres. La prospérité de la métropole reposait uniquement sur la force et le travail de cette masse servile dans la colonie de Saint Domingue. C’est ce sens, que l’historien Eric Williams, dans son texte qui a pour titre : « Capitalisme et esclavagisme » déclare que les villes les plus modernes d’Europe (Liverpool) ont été construites avec le sens des esclaves. De plus, avec la fin de l’esclavage ces villes sont presque inexistantes.

De Caonabo à Dessalines, nous suivons le fil conducteur d’une culture de lutte. Plusieurs siècles de lutte contre l’esclavage, l’exploitation et la déshumanisation de l’homme noir. De Christophe Colomb au général Leclerc, ils pensaient non à cause de leur valeur, mais à cause de leur médiocrité, trouver à Saint Domingue un instrument dont ils pourraient user à leur guise et qu’il leur serait toujours loisible de briser à volonté. Ils se trompaient lourdement. Car chaque peuple opprimé, maltraité produit toujours son libérateur selon le besoin de la cause et de l’époque. Et oui ! Grandement ils se trompaient ! En quoi le père fondateur de la nation peut-il être considéré comme le plus grand héros de tous les temps et de l’espace ?

Pour une tentative de répondre nous tiendrons compte des approches symbolique ou mythique et réaliste qu’on a autour du ce personnage, tout en passant en revue la radiographie du système esclavagiste, essayons de comprendre Dessalines en tant qu’un grand visionnaire, un diplomate de carrière, un vrai homme d’Etat, un défenseur de l’humanité dont l’homme, nous passerons en revue l’aspect et l’impact internationaliste de ses idées. En effet, ce héros était une personne multidimensionnelle.

Radiographie du système esclavagiste 

A son apogée en 1789, la colonie française de Saint- Domingue surnommée La Perle des Antilles, était de loin la plus riche et la plus florissante des colonies d’esclaves aux Antilles.

Les fortunes colossales amassées par les planteurs blancs, ainsi que par la bourgeoisie commerçante de l’époque, avaient été générée par le travail forcé de plus d’un demi-million d’esclaves noirs, captures en Afrique et amenés de force dans le Nouveau Monde pour répondre à la demande intense et grandissante de main-d’œuvre. L’exploitation de la main-d’œuvre servile est à l’origine de la prospérité de Saint-Domingue et lui a permis d’atteindre son plus haut niveau de productivité en 1788. 

Sous l’esclavage, on dit que « tout est question de fait, et c’est la volonté du maitre qui est tout. De cette volonté, et d’elle seule l’esclave doit attendre misère ou bonheur ». En règle générale, les esclaves étaient mal nourris et sous-alimentés. On ne peut expliquer la soumission de l’esclave à des conditions aussi dégradantes que par l’usage de la violence physique et psychologique des maitres.  L’existence de l’esclave dépendait entièrement de la volonté du maitre. Mais le maître aussi ne pouvait exister sans esclaves. Pour briser la volonté d’un être humain et le réduire à accepter la condition d’esclave, il fallait mettre en place un régime de brutalité calculée.

Face à ce système d’oppression et d’exploitation esclavagiste, les esclaves allaient utiliser plusieurs formes de résistances : la noyade, la pendaison, l’empoisonnement, l’avortement, le marronnage et l’insurrection pour manifester leurs refus de celui-ci. C’est dans le cadre de cette manifestation du refus des esclaves du système coloniale et esclavagiste qu’il faut comprendre l’insurrection générale des esclaves dans la nuit du 21 au 22 aout 1791, dirigée par des leaders comme Toussaint Louverture, Boukman, Biassou et Jean-Jacques Dessalines le Grand, aboutissant à l’indépendance de la première république noire du monde.  

Dans la semaine succédant cette cérémonie on a assisté à la révolte générale des esclaves. L’armée indigène, avec Dessalines comme principal lieutenant. Ce dernier naquit le 20 septembre 1758 à la Grande Rivière du nord sous le nom de Jean Jacques Duclos. Selon Martin Renauld, dans sa thèse, ‘’Jean Jacques Dessalines, dans la guerre d’indépendance haïtienne : les stratégies utilisées pour imposer son leadership’’, le futur empereur d’Haïti n’était pas instruit et avait été un ancien esclave. Cet élément jouera en sa faveur. Sa manière d’agir, autant dans les grands moments que dans ses actions quotidiennes rappelait aux cultivateurs et aux soldats qu’il était bien un des leurs.  Après la trahison de et la capture dont Toussaint fut l’objet en 1802, Dessalines devint le leader de la révolution. 

Le 8 octobre 1804, ce dernier fut couronné empereur par l’archevêque Jean Baptiste Joseph.  Son gouvernement ayant décidé d’entreprendre une réforme agraire au profit des anciens esclaves sans terre, il a été considéré au regard de l’histoire de plusieurs façons :

Dessalines grand visionnaire

Pour cerner la vision de Jean-Jacques Dessalines, faut-il bien faire un retour sur la constitution de 1805 qui a jeté les bases du nouvel état.  Celle-ci reconnait à l’empereur le droit de faire la guerre et la paix, de sceller et de promulguer les lois, d’avoir la haute gestion des finances et d’entretenir les relations diplomatiques.  L’article 14 de la constitution de 1805 dispose : « Toute acceptation de couleur parmi les enfants d’une seule et même famille, dont le chef d’Etat est le père devant nécessairement cesser, tous les haïtiens ne seront désormais connus que sous la dénomination générique de noir ». Cet article s’inspire de la volonté d’écarter à jamais le spectre du préjugé de couleur dans un monde ou le racisme était la règle. Il liait en apparence le concept de nationalité à la notion de race. Des lois furent prises en faveur des enfants nés hors du mariage, sur le divorce, sur le mode de constater l’état civil. Cette constitution proclame : la liberté des individus, la liberté des cultes, faite obligation aux citoyens de posséder un art mécanique. Et ne reconnait aucun droit de propriété à aucun blanc quelle que soit sa nationalité pour s’assurer du non-retour de l’esclavage. Mais non de la haine des blancs. Donc, prenant la constitution de 1805 comme exemple Dessalines est le penseur le plus moderne de son temps.

Lire aussi:  Le sulfureux Ariel Henry veut mater les gangs

Dessalines un diplomate de caractère

Au lendemain de la victoire des révolutionnaires au détriment des forces françaises, la diplomatie inaugurée par l’empereur fut empreinte à la fois de pragmatisme et de volontarisme répondant au besoin du moment.  S’agissant des relations entre Haïti et les autres pays, Dessalines appliquait une politique étrangère dont nous pouvons nous enorgueillir. Il s’agit d’une politique étrangère où la compétence et le talent contribuaient à faire rayonner Haïti. Mais un rayonnement visant à étendre les idées de la révolution haïtienne et de la protéger aussi (les supports apportés aux peuples de l’Amérique latine et de la caraïbe insulaire). C’est-à-dire, la liberté pour tous les opprimés de la planète. D’où, son humanisme universel.

Dessalines, un vrai homme d’état 

A part de ce désir, de mettre en avant les atouts économiques d’Haïti, Jean-Jacques 1er a voulu mettre les français face à une vérité flagrante : son sens du devoir, il n’en demeure pas moins vrai que, cet homme charismatique possédait un sens du devoir incontestable, ce qui faisait de lui un chef d’état dans le vrai sens du terme. Non seulement Dessalines était très proche du peuple, mais il savait aussi mettre en avant plan son sacrifice personnel pour faire ressortir sa solidarité avec le peuple. Par exemple, Jean Fouchard, nous rapporte un exemple explicite de cette tendance à secouer et à motiver les troupes par des sacrifices personnels : « Il tint à l’honneur de donner l’exemple du sacrifice, et le fit d’une manière solennelle… donna lui-même le signal de l’incendie en posant sa torche sur l’amas de bois goudronné qui remplissait le vestibule de sa maison ». D’autant plus que, il prônait une sorte de justice sociale et égalitaire. Car il pensait que l’état devrait être au service de tous sans distinction aucune. Autrement dit, Dessalines voulait un état fort et régulateur.

Il a posé la base d’une économie planifiée en permettant à l’état de gérer les moyens de productions, ne faut-il voir par là le premier socialiste de l’histoire, bien avant Karl Max, de surcroît, dans notre argumentaire, on ne peut pas passer sous silence sa capacité à motiver, influencer positivement ses collaborateurs pour la concrétisation de l’objectif commun. A cela il faut ajouter, sa détermination, son intrépidité, sa rigueur, son sens du devoir et son amour pour la patrie. C’est un vrai patriote. 

Tout compte fait, de par son leadership et à travers les caractères, anti-esclavagiste, anticolonialiste, antiségrégationniste, de la révolution haïtienne, Jean-Jacques Dessalines a proposé à l’humanité entière une nouvelle vision de l’homme basée sur la liberté universelle, l’égalité des êtres humains et la justice sociale. Delà, dire que Dessalines est le plus grand héros de tous les temps et de l’espace ne se révèle-t-elle pas d’une vision limitée de ce personnage ? C’est-à-dire, pour certaines personnes, si l’on tient compte de l’idée du temps et de l’espace. Autrement dit, le fait de vouloir inscrire Dessalines dans l’espace-temps, afin de mieux le cerner et de le comprendre. A contrario, d’autres voient en lui un mythe, un symbole. De ce fait, ils refusent l’idée de l’inscrire dans l’espace-temps.

Dans ce débat, Nous priorisons une position intermédiaire. Car Dessalines est réelle dans la mesure où ses actions sont concrètes et ont une dimension universelle. De l’autre, il est mythique dans la mesure où il symbolise le mouvement humain à la résistance contre l’oppression dans une sorte de mysticisme. Par exemple, pour certains Dessalines est le Jésus des Haïtiens (Noires). D’autant plus que, Par sa vision de l’état et de l’humain en générale, ses objectifs communs, ses réalisations, sa politique, ses stratégies et tactiques militaires, et surtout, l’impact de ses idées dans le monde présentement encore, pour ne citer que cela. Ces deux dimensions citées plus haut autour de ces actions humainement juste lui fait traverser l’espace-temps. De ce fait, On n’aurait pas tort si l’on affirme qu’il était et est incontestablement le plus grand héros de tous les temps et de l’espace. Cependant, doit-on admettre qu’il était infaillible ? Pourquoi ce personnage est-il si controversé ?

Références

Angers, Maurice. Initiation à la méthodologie des sciences sociales. Centre éducatif et culturel Inc. Canada, 1992

FOUCHARD, Jean. Les marrons des syllabaires. Ed. Deschamps, Port-au-Prince, 1988

WILLIAMS, Eric. Capitalisme et esclavagisme

FIRMIN, Antenor. De l’égalité des races humaines. Bibliothèque Paul Emile Boulet de l’université du Québec, 2016

Lois et Actes sous le règne de Jean Jacques Dessalines. Collection Angle droit. Ed. Presse nationale d’Haïti, 2006

La Constitution de 1805

La Constitution de 1801

Le code noir de 1685

Partagez l'info
HTML tutorial

41 commentaires

  1. Bon travay teks la banm yon lot rezon poum konn plis ni d pi grand moun latè k pwodwi

    Mwen vote pou ou Thalita Simon

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page

En savoir plus sur LA QUESTION NEWS

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading