SOCIETE

18 mai 2023 au Cap-Haïtien : un tournant historique !

Je n’ai pas la prétention d’écrire un article-fleuve. Je veux seulement souligner en quoi la célébration du 220e anniversaire de notre drapeau au Cap-Haïtien constitue un tournant dans notre rapport collectif avec les dates historiques dépositaires de la mémoire du cheminement épique de nos aïeux.

J’avais 13 ans quand des leaders politiques, des hommes et des femmes d’affaires regroupés sous l’ombrelle du « Groupe 184 » avaient décidé de boycotter la célébration des 200 ans de l’Indépendance d’Haïti. Engluée dans une fixation contre la personne du Président Jean-Bertrand Aristide, des hommes et des femmes d’élite ont choisi de nous ravir une célébration nationale à la hauteur de la geste sublime des Héros de Vertières. Contrairement à la célébration fastueuse du Centenaire de Notre Indépendance sous le règne du Président Nord Alexis, le bicentenaire de l’épopée de 1804 a été trainé dans la boue de la haine, de la division et du nombrilisme. Du coup, les pseudo-luttes politiques l’ont emporté sur la valorisation du socle des valeurs nationales. Et cette cécité historique en soi constitue un acte de vandalisme au préjudice de notre mémoire collective. Il n’est donc pas méchant de dire que le boycott des dates historiques est un crime de lèse-histoire contre des générations entières qui sont désormais condamnées à ne pas pouvoir assumer leur responsabilité citoyenne aujourd’hui et demain à cause de leur totale déconnexion avec le passé.

Sans souci d’exhaustivité, il y a lieu de se rappeler qu’après le boycott honteux du premier janvier 2004, il y a eu une volonté systématique de faire des dates historiques le prétexte de mobilisations folkloriques un peu partout à travers le pays pour cracher sur la mémoire des Héros de la Révolution de 1804. Et, à ce propos, après le Président Jean-Bertrand Aristide, le Président Jovenel Moïse en a vraiment eu pour son compte. Près de 4 ans de vandalisme contre l’âme nationale ! Pseudo-mobilisations politiques par çi et par là. Résultat : toute une génération historiquement et axiologiquement déracinée pour le plus grand triomphe de la division de la grande famille haïtienne.

C’est de ce lieu qu’on comprendra que le 18 mai 2023 et l’onde de choc y relative constituent un tournant décisif. Si certains sont déçus de la célébration sans heurts du 220e anniversaire de notre drapeau, c’est que l’école du boycott des dates historiques s’est, pendant longtemps, imposée en norme. Grosso modo, pendant plus de 20 ans, on a appris à ma génération que les dates historiques sont sans substance et qu’elles ne doivent servir que de vils prétextes à des mobilisations violentes en vue de la prise du pouvoir par des voies non orthodoxes.

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Détrompez-vous ! L’école du boycott de notre mémoire collective a vraiment fait école ! L’école du vandalisme de nos hauts lieux de mémoire a eu et a encore de nombreux adeptes. C’est d’ailleurs ce qui explique l’onde de choc du 18 mai 2023. C’est ce qui justifie également la portée historico-pédagogique de la célébration qui s’est tenue au Cap-Haïtien.

Le Cap-Haïtien, toujours à l’avant-garde des tournants de notre Histoire, a coupé court au cycle infernal du boycott injustifié et contre-productif de nos dates sacrées. Évidemment, le 18 mai au Cap-Haïtien a toujours été intouchable, inaltérable et invandalisable. Le 18 mai au Cap, c’est l’exaltation du sublime à tous les niveaux : couleur, musique, vêtement, discipline, allégories, etc. Le 18 mai au Cap a toujours été un espace de saine émulation entre les jeunes de différents établissements scolaires. Les fanfares se disputent toujours la première place sur le podium du mérite suivant les critères de l’excellence musicale et du culte de l’esthétique. Bref, le 18 mai au Cap est une école patriotique et citoyenne à ciel ouvert. Et c’est cette école patriotique et citoyenne qui a eu une audience nationale cette année en raison de la présence du gouverment du Premier ministre Ariel Henry dans la Cité Christophienne. Tous les Haïtiens ont eu les yeux rivés sur le Cap. Si les élèves de l’école du boycott s’attendaient aux gesticulations folkloriques tenant lieu de luttes politiques, ils ont eu droit à des enseignements inspirés de l’école patriotique et citoyenne qui vient de reprendre ses lettres de noblesse au Cap-Haïtien.

Le 18 mai 2023 entend fermer une longue parenthèse. Si le débat y relatif est encore houleux, c’est en raison du choc des deux écoles. L’école du vandalisme ayant eu un règne suffisant pour se faire de nombreux adeptes, le débat national autour du 18 mai 2023 se poursuivra au moins jusqu’au 18 novembre 2023. Et, si le 18 novembre 2023 laisse triompher à nouveau l’exaltation du sublime en lieu et place des élans traditionnels de destruction de notre patrimoine immatériel, l’on se souviendra longtemps encore de la pédagogie de patriotisme et de citoyenneté du 18 mai 2023 au Cap-Haïtien.

Bravo, Cap-Haïtien ! Merci aussi d’être toujours à l’avant-garde de tous les changements profonds en Haïti ! Au Cap-Haïtien, ce 18 mai 2023, l’école patriotique et citoyenne a eu droit de cité. Souhaitons vivement la récurrence de ce triomphe pour des générations d’Haïtiens épris du sens de notre Histoire et de la responsabilité contemporaine de réhabilitation de notre grandeur perdue.

Pascal ADRIEN

22 mai 2023

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