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Haïti/ Pétro-incendie : Comprendre et prévenir les incendies liés aux produits pétroliers en Haïti

En Haïti, les débats sur le secteur pétrolier tournent le plus souvent sur la question du prix ou la rareté de l’essence. De nombreuses fois, les insatisfactions y afférentes ont servi de catalyseur à de grands mouvements de protestation. Jusqu’ici, en dépit du nombre croissant d’incendie lié à la vente ou le stockage anarchiques de l’essence, la population et ses principaux leaders minimisent encore les conséquences dramatiques de ce phénomène. Il s’agit plus simplement d’envisager le stockage et la vente des produits pétroliers comme deux éléments concomitants à la sécurité nationale. Dans cet article, consacré au pétro-incendie, nous allons analyser certains faits mettant en évidence les liens entre le secteur pétrolier et la sécurité nationale. Pour y parvenir, nous nous posons la question comment le pétrole est stocké et distribué et vendu en Haïti ?

Risques d’explosion dans les terminaux pétroliers haïtiens

 Après l’acquisition du pétrole par le BMPAD sur le marché international, les produits lui sont livrés dans trois grands terminaux localisés à Thorland dans la commune de Carrefour, Martissant dans la commune de Port-au-Prince, Varreux dans la commune de cité soleil. Actuellement Martissant et Cité-Soleil se trouvent sous la férule de gangs armés opérants dans la région métropolitaine. La présence de groupes armés en évolution est également signalée dans la zone Mariani située à l’entrée sud de la commune de Carrefour. En considérant la force de frappe des groupes armés, on comprendra que les terminaux pétroliers haïtiens sont en grand danger. Déjà des signes avant-coureurs laissent présager qu’une prise en otage définitive de ces terminaux n’est pas loin. Le 5 juillet dernier, des bandits de Martissant ont tiré en direction d’un navire de propane qui débarquait son produit au terminal de la zone.  Les dirigeants étaient contraints de fermer ce terminal pendant plusieurs jours. Au cours du mois de septembre de cette année, un responsable Marc Antoine de l’Association Nationale des Propriétaires de Stations d’essence (ANAPROSS) a révélé que les bandits de la zone ont intercepté la majorité des camions qui revenaient du terminal de Varreux.  Les camions interceptés ont été détournés, débarqués et séquestrés par les groupes armés. 

Depuis plus d’un an, la traversée des axes routiers de Martissant, La Saline, Delmas 2, Arcahaie et Croix-des-Bouquets représentent un grand calvaire pour les chauffeurs et les propriétaires des camions-citernes assurant la distribution de produits pétroliers dans les différentes stations d’essence du pays. Les images ont montré des gens se tenant au haut des camions avec des sceaux ou des tuyaux pour en extraire l’essence. Les gens qui ont capturé les camions sont le plus souvent armés. Pour des gens armés désireux d’imposer leur volonté à un chauffeur de camion-citerne, le plus simple à faire est de brandir leurs armes. Dans le cas où le chauffeur s’opposerait à leur volonté, ils pourraient lancer des tirs en direction du camion. À la moindre détonation le camion courait le risque d’être explosé. De même toute tentative d’accaparer un terminal pétrolier par l’usage d’armes à feu représente un grand danger pour le pays et pour les zones avoisinantes. Dans un terminal, les produits pétroliers de nature inflammable, sont stockés en très grande quantité.  L’échange de tirs entre les bandits forces de l’ordre risquerait de tourner au chaos. Car si une détonation a atteint un réservoir, il risque d’être explosé. L’explosion d’un réservoir pourrait avoir un effet dominos et provoquerait l’explosion en chaînes d’autres réservoirs du terminal. Compte tenu de toutes ces considérations, ne serait-ce pas utile de questionner les enjeux liés au secteur pétrolier Haïti ? 

Les trois terminaux du pays sont construits sur le littoral de trois grandes villes à forte densité humaine. En conséquence tout incendie se produisant dans l’un ou l’autre de ces terminaux, le pays risque de perdre presqu’une ville entière. Les terminaux pétroliers et les centrales électriques constituent deux grands modèles d’investissements qui soulèvent la nécessité pour les villes en question d’avoir un corps de pompiers bien formés pour faire face aux cas d’incendie majeur. 

Pétro-incendie

Depuis 2010, les incendies les plus courants en Haïti ont concerné notamment les marchés publics de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Par contre, durant les trois années écoulées, les cas d’incendie survenus dans les stations semblent devenir un peu plus fréquents. Ces incendies ont survenu notamment pour des raisons diverses : activités irrégulières aux abords, concentration massive de véhicules à moteurs sur le site des pompes, négligence des pompistes ou mauvais placement ou mauvais placements des réservoirs. 

L’ouverture d’une station d’essence dans une zone donnée sert le plus souvent de ralliement à certains petits marchands qui vendaient aux alentours. Parmi eux, certains vendent de la cigarette, de la saucisse, du thé à sel, de l’accassan ou du maïs boucané. Ces genres d’activités requérant l’usage du feu représentent un grand danger pour les stations de pompes à essence. En conséquence, les responsables de ces stations de concert avec les autorités locales devraient trouver un moyen pour stopper ces activités à haut risque qui sévissent dans les parages des pompes.

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Habituellement, les raretés d’essence donnent lieu à des attroupements de gens désireux d’avoir accès à un peu d’essence pour faire fonctionner les moteurs de leur automobile ou de génératrice. Avec l’attroupement des gens sur le site de stockage, on ne peut assister qu’à la hausse de la température sur le site de stockage. En outre, les litiges entre les clients tendent à bousculer la main des pompistes et provoquer la chute momentanée de quelques gouttes d’essence sur le sol. Si au milieu de la foule, se trouverait une personne ou plusieurs fumeurs addictés qui, à force de patienter, oublient le danger qu’ils courent de fumer en de tels endroits, la station encourt le risque d’être explosée. Parallèlement, on présuppose que la majorité de ces clients-là ont en leur possession un téléphone portable. Sur le site d’une station d’essence, les ondes téléphoniques risques de favoriser de graves explosions et incendier la station. Après avoir été servis, les clients éprouvent de grandes difficultés pour sortir de la foule. D’entre eux, certains sont renversés avec leur produit. Là encore, du pétrole pourrait couler sur le sol jusqu’à entraîner de l’incendie. Parmi les personnes qui ont pu sortir de la pompe avec leur produit intact, une forte proportion prêtera le service d’une moto taxi pour arriver à l’endroit où se trouve leur véhicule ou génératrice. Selon les spécialistes le transport de l’essence devrait se faire dans des récipients appropriés comme les bidons à essence, de jerricans, des drums métalliques ou en plastiques. Ces récipients doivent être conçus et fabriqués pour contenir et transporter des produits pétroliers. Ils doivent satisfaire aux prescriptions du règlement sur le transport des marchandises dangereuses. Il suggéré pour tout véhicule transportant un grand contenant de gaz liquéfié d’être muni d’un extincteur d’au moins 5BC pour lutter contre le feu au cas ou un incendie se déclarerait.

Au cours de cette année, nous avons déjà recensé plusieurs accidents de motocyclette qui transportaient des gens avec une ou plusieurs gallons d’essence en leur possession. Au cours de l’accident, l’essence a pris feu et les gens ont subi de graves brûlures et les motos sont parties en fumée. L’essence étant un produit fragile, mérite d’être transportée dans le strict respect des normes en vigueur. À côté du transport de l’essence, il importe de signaler le transport des bombonnes de gaz propane et la nécessité pour les ménages qui en font usage de se préparer pour faire face aux éventuels dégâts. 

Le gaz propane est un produit extrêmement dangereux. En conséquence, il est déconseillé de le transporter les bombonnes à moto, à la main ou sur la tête. Il serait mieux d’utiliser un véhicule capable de donner une certaine stabilité à la bombonne. Pour tout transport d’un tel produit, il faut prévoir d’avoir un extincteur approprié sous la main question de se préparer à l’éventualité d’un cas d’incendie. L’usage du propane dans les ménages requiert des changements particuliers au niveau du bâti et dans la conception des gens. Donc, il ne suffit pas seulement d’aller en magasin pour se procurer d’un réchaud et d’une bombonne de gaz, mais il faut prévoir également les moyens et les matériels à utiliser pour faire face aux éventuels cas d’incendie.

Cet article nous a permis de projeter un regard particulier sur le secteur pétrolier en Haïti. Nous avons montré la nécessité pour les villes concernées par les terminaux pétroliers de se doter des corps de pompiers bien formés et suffisamment équipés pour faire face aux incendies éventuels pouvant survenir en de tels sites. Nous avons présenté les risques liés au transport et stockage de produits pétroliers et la nécessité pour la population d’avoir un comportement responsable. On doit stopper le stockage anarchique des produits pétroliers et s’engager pour usage adéquat en faisant de notre mieux pour nous procurer des extincteurs pouvant nous aider à réduire les impacts négatifs au cas où un incendie se déclarerait.

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Un commentaire

  1. Très instructif. Cet article sur les risques d’incendie/explosion des produits pétroliers doit pousser à réfléchir tous ceux-là qui sont directement concernés. Espérons qu’ils agissent en conséquence.

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