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Assassinat de Jovenel Moise : symbole de la faillite de l’Etat

Dans une société organisée , l’Etat est l’entité qui détient le monopole de la violence physique légitime. 
Considéré comme un leviathan il se place au-dessus de tous les autres groupes .
Ayant à sa disposition les appareils idéologiques et répressifs, il exerce un contrôle continu sur la société. 

Dans le cas d’un système politique où la présidence existe comme institution,  la personne du président devient le véritable chef et contrôle ces appareils pour s’assurer que l’ordre soit maintenu .

Le président comme 1er diplomate , 1er citoyen , 1er Soldat d’un pays est marqué par un fort symbolisme autour de sa personnalité. 
C’est lui la figure emblématique du pays : dès qu’on le voit ,on voit automatiquement la nation toute entière qu’il dirige  .

Un président qui paraît  faible , fragile, fébrile et instable  est un passif pour son peuple car il traduit l’impuissance au plus haut niveau de l’Etat.
C’est pour cela que la personne du président doit être protégée. 

Ainsi on met  à sa disposition différentes équipes qui gèrent sa communication,  son image et sa sécurité…

Ce dernier doit être protégé à tout prix car il représente l’Etat . Il ne doit pas se trouver dans une situation où sa vie est exposée ; si jamais cela arrive , il doit être le dernier à être victime car ses gardes doivent tout faire pour le  sauver au risque de mourir à sa place.

Celui qui est aux cotés du Président doit jurer de tout faire pour préserver la vie de son chef ,de celui qui représente l’Etat par sa voix, ses actes et engagements  .

Malheureusement dans notre cas en Haïti, on ne peut pas évoquer ces genres de principes :
1- l’Etat Haitien ne détient pas le monopole de la violence ( aujourd’hui ce sont les chefs gangs qui font la loi, qui décident quand on peut sortir ou rester à la maison )

2- la personne du président n’impose aucun respect : les gens qui l’entourent ne font leur boulot que pour l’argent ( aucune passion , aucune fierté) . Certains agents ont même déclaré que le président méritait de mourir car il est  » Ping » (li pa sèvi ak moun ki bò kotel).

Le dernier événement majeur en date ,l’assassinat du président dans sa résidence avec une telle facilité , traduit clairement  l’idée que l’Etat a cessé d’exister comme entité suprême qui impose son autorité sur toutes les composantes de la société. 

L’ex Président n’a pas été protégé par les forces de l’ordre : ce qui était impossible aussi  car il n’a pas pu  rétablir la sécurité dans le pays( il est juste une victime en plus de l’insécurité généralisée) ;
Il n’a pas été protégé non plus par ses agents de protection rapprochée. Il est le seul à être victime de l’attaque : une aberration totale. Mais c’est le cas s’agissant d’un pays comme Haïti où l’impossible devient possible .

Lire aussi:  Un pasteur auditionné dans le cadre de l'assassinat du président Jovenel Moïse

Tel événement ternit l’image de notre pays à l’international.  Plus personne de l’extérieur ne peut venir en Haïti avec la garantie que sa vie n’est pas en danger.
 
Au niveau interne, aucun citoyen ne croit en l’Etat pour garantir leur sécurité. De plus en plus de personnes enlevées ne font pas de déclarations à la DCPJ . 
Leurs familles préfèrent négocier directement aux bandits ou passer par les émissions de radio pour supplier les gangs de libérer l’otage. 

La nation haïtienne s’effondre, aucune autorité s’exerce dans le pays , le peuple est livré à lui même. 
L’assassinat du  président Moise est la preuve de la désorganisation de l’état, de la faiblesse de nos institutions et l’amateurisme au plus haut niveau.

De plus 1 an après la mort du président on ne parvient toujours pas à lui rendre justice . L’impunité s’installe définitivement dans le pays .  bâtonnier assassiné,  médecin assassiné, étudiant assassiné:  justice n’est pas rendu. 

Le président qui était là à observer cette criminalité dans le pays a attendu son tour calmement ; ironie de l’histoire  ,le système judiciaire qui était à sa disposition ne parvient toujours pas à identifier les auteurs de son assassinat voire les juger .

Nous sommes dans une jungle où celui qui tire le premier a raison ; celui qui détient l’arme est votre Dieu.

Si le président a été assassiné et moi alors qui suis un simple citoyen ?
Voilà ce qui marque la pensée de l’haitien.
Chhaque haitien attend son heure  ;
Le désespoir envahit les familles ;
L’espérance de vie d’un haitien ne dépasse qu’une journée. 

L’assassinat du chef de l’Etat symbolise clairement la faillite de l’Etat . 
Même si on l’aimait pas ,il ne méritait pas de mourir dans ces conditions . 
Cet acte est une tâche dans l’histoire de notre pays . Partout où j’y vais en Europe ,en Afrique on ne fait que me rappeler  cet acte barbare qui a lieu dans mon pays . 

Le pire un an après les assassins circulent dans les rues , ils parlent dans les médias, ils lancent déjà leurs campagnes présidentielles, ils font semblant  de réclamer justice aussi.

Mathias L.DEVERT 
Politologue 
mathiasdevert@gmail.com

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