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Jean-Jacques Dessalines, le plus grand héros de tous les temps et l’espace

Emmanuel LUCAS #0132

La révolution haïtienne représente un événement historique radical et spectaculaire. Toussaint Louverture, surnommé le Premier des noirs, représente la figure centrale de cet événement. Ce Noir libre sous l’ancien régime réussit en 1801, à se déclarer gouverneur à vie de Saint-Domingue et à exclure le pouvoir français, tout en maintenant une allégeance symbolique à la France de Bonaparte. Le pouvoir noir en voie de consolidation, Bonaparte envoya à la fin de 1801 son beau-frère, le général Leclerc, à la tête d’une expédition de plus de vingt mille hommes ayant pour but de rétablir l’esclavage à Saint-Domingue et soustraire les forces révolutionnaires. Toussaint Louverture se vit forcé de combattre une armée expéditionnaire sur l’offensive à l’hiver et au printemps 1802. La population qui le soutenait étant ramollie, Toussaint jugea plus opportun de cesser la résistance et se rendit au Cap le 6 mai 1802 pour se soumettre à Leclerc. Ce fut une retraite qui ne dura que peu de temps puisque le beau-frère de Napoléon s’empressa d’ordonner l’arrestation et la déportation en France de celui qu’on surnomma le Premier des Noirs.

Durant ces faits, Jean-Jacques Dessalines, Henri Christophe et les autres généraux noirs se retrouvèrent subordonnés aux militaires français. La grande majorité des historiens de la Révolution haïtienne tendent à mettre l’accent sur les premières armées de la révolution ou sur la personne de Toussaint Louverture dans leurs recherches comme l’a signalé Martin Renauld. Pourtant personne ne remet en cause le leadership de Dessalines à partir de l’automne 1802 et son importance dans l’élimination finale de la domination française à Saint-Domingue. Son héroïsme, son bravoure lui inculqua les traits d’un leader légitime. Ceci dit, la légitimité de ce dernier, qui, plus tard allait devenir empereur, n’est-elle pas due à l’écroulement de Toussaint, étant en quelque sorte l’une des causes favorisant la découverte de ce mystérieux caractère d’homme authentique, Dessalines ? Peut-on considérer l’expulsion des Français comme le plus grand exploit du mouvement de Dessalines ?   Voilà l’objectif principal de cette présente dissertation : les stratégies de Dessalines pour s’imposer en tant que chef légitime d’un peuple et militairement contre les puissances européennes d’où, un héros hors pair.

Pour répondre à la problématique, il est nécessairement de se pencher sur l’effondrement du régime de Louverture à partir de février 1802, les caractéristiques de Dessalines pour une année 1803 réussie, sa victoire contre les troupes de Bonaparte. Cette présentation se veut de présenter une image plus nuancée de Dessalines. Ses actes montrent de lui un homme sachant fusionner action et diplomatie.

L’effondrement du régime de Louverture

En novembre 1801, Toussaint Louverture, alors au sommet de son pouvoir dans la colonie française de Saint-Domingue, se devait de prendre une décision déchirante : choisir entre son rêve de transformer la colonie de Saint-Domingue en une nation calquée sur les métropoles européennes ou favoriser ses liens familiaux aux dépens de ses objectifs politiques. Son neveu, Moyse conspirait et commettait des actes mettant Toussaint dans l’incapacité de lui pardonner. De ce fait, il ordonna l’exécution de Moyse. Moyse fut exécuté le 24 Novembre 1801. Sachant que Moyse était une infime partie de la rébellion, Toussaint ordonna d’autres exécutions. 2000 selon Thomas Ott, en se basant sur les journaux de l’époque. Inquiet par des rumeurs sur l’arrivée d’une expédition, Toussaint eut à renforcer un système déjà répressif et violent à l’extrême. L’élément principal à retenir en ce qui concerne le régime de Toussaint avant l’arrivée de l’expédition Leclerc en février 1802 demeure son incapacité à inclure les cultivateurs dans cette nouvelle société, l’hésitation de la population dans la lutte contre les troupes de Bonaparte le prouvera de manière encore plus explicite. Malgré toutes ses agitations dans la colonie, Toussaint se déclara gouverneur général à vie en juillet 1801. Ce qui provoqua Napoléon.

En février 1802, Leclerc, envoyé par Bonaparte arriva au Cap avec ses 35 navires et ses 22000 soldats sans compter les 20000 marins. Toussaint refusa de les laisser entrer. De février à mai, les troupes françaises attaquaient et quelques généraux quittèrent Toussaint au profit des Français. Son leadership fut la principale cause. Toussaint ne prit pas les mesures nécessaires pour inclure tous les alliés potentiels et ses subalternes dans la lutte à finir contre l’envoyé de Bonaparte. Il choisit de miser sur une organisation trop personnelle qui laissait les chefs dans le noir et qui ne pouvait assurer une certaine cohésion, impossible sans une position claire. Sans apport, et une population hésitante, il remit le pouvoir à l’ennemi le 7 mai 1802 et ce fut l’effondrement de Toussaint.

Durant toute la période entre le débarquement de Leclerc en février et la capitulation de l’armée indigène en mai, Jean-Jacques Dessalines demeura subalterne, soumis aveuglément aux ordres de Toussaint, restant fidèle à la hiérarchie militaire. Bien que nous ne puissions spéculer sur ses desseins à plus long terme, il semble tout de même indéniable que Dessalines, déjà à ce moment de la lutte contre les Français, étalait une attitude qui lui permettra de s’imposer comme chef suprême des révoltés. Les actions de Dessalines pendant cette période laissent entrevoir un contraste certain avec son mentor, une conduite et un discours plus près des préoccupations du peuple et surtout une mentalité de combattant. En d’autres mots, je tenterai ici de mettre en évidence les caractéristiques spécifiques de Dessalines telles qu’elles étaient observables avant l’abandon des rebelles, qui lui permettront de prendre le leadership du mouvement anti-français et d’obtenir un appui sensible de la majorité de la société coloniale.

Les caractéristiques de Dessalines pour une année 1803 réussie

Le futur empereur d’Haïti, comme bien d’autres généraux, n’était pas instruit et avait été esclave sous l’Ancien Régime. Cet élément jouera en sa faveur puisque, contrairement à Toussaint qui glorifiait la civilisation européenne, Dessalines ne tentait nullement de cacher ses origines. Sa manière d’agir, autant dans les grands moments que dans ses actions quotidiennes, rappelait aux cultivateurs et aux soldat qu’il était bel et bien un des leurs. D’après Michel Étienne Descourtilz, qui légua un récit détaillé de sa captivité auprès des troupes noires. Dessalines dégageait une certaine «culture» authentique, près du peuple. Lacroix nous rapporte un exemple explicite de cette tendance à secouer et à motiver les troupes par des sacrifices personnels : «Il tint à l’honneur de donner l’exemple du sacrifice, et le fit d’une manière solennelle… il donna lui même le signal de l’incendie en posant sa torche sur l’amas de bois goudronné qui remplissait le vestibule de sa maison ». Dessalines se détache partiellement de l’image despotique entretenue malgré lui par Toussaint pour se rapprocher des masses noires. Néanmoins, cette situation, ainsi que ses agissements durant la guerre civile, avaient l’effet inverse sur les mulâtres, concentrés au Sud. Évidemment, dans cette période d’hostilité entre Leclerc et Toussaint, Dessalines ne possédait pas un programme distinct de son supérieur immédiat, par contre, il est d’ores et déjà possible de discerner des priorités différentes entre les deux hommes. Alors que Toussaint était souvent perçu comme un «ami » des Blancs par les cultivateurs et même par certains militaires, Dessalines conservait une haine profonde, ancrée dans son passé d’esclave, pour les Blancs. Dessalines extirpa volontiers le sentiment de vengeance de la majorité des Noirs.

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La tactique de Dessalines a sans faute fourni à celui-ci la possibilité de devenir le chef légitime à l’automne 1802 selon moi. D’ailleurs Ardouin attribue au gouvernement de ce dernier le massacre de nombre de Blancs. Ce qui confirme mon assertion à savoir : Dessalines avait un dévouement total pour détruire les Blancs. Contrairement à l’idée de Pamphile Lacroix qui insinue que Dessalines faisait tout ça pour forcer les cultivateurs à le suivre. Loin de moi l’idée de glorifier Jean-Jacques Dessalines, qui ne possédait ni les talents de négociation de Toussaint, ni sa perspicacité à évaluer les nuances ou les impacts à long terme de certaines décisions mais c’est ce qui représentait sa plus grande force. Au début du mois de mai 1802, Jean-Jacques Dessalines accepta de se rallier aux forces de la République. Le soldat féroce, peu accoutumé à l’abandon, n’avait d’autre choix que d’imiter Toussaint et Christophe et de se soumettre. Cette capitulation à reculons signifiait que Dessalines se retrouvait désormais sous les ordres d’un Blanc, qui plus est le beau-frère de Napoléon. Il est plausible que Dessalines ait accepté d’emblée l’expulsion de son chef, devenant ainsi plus influent auprès des Noirs, même si pour le moment il devait se plier au régime français. Sans doute que l’important à ce moment, soit au début de l’été 1802, était de garder toutes ses options ouvertes, c’est-à-dire de détenir un rôle influent auprès des Français. La stratégie adoptée par Dessalines durant cette période se limite à faire preuve d’une grande patience et d’une volonté claire de se présenter comme l’homme en qui faire confiance. Dans sa campagne de désarmement, Leclerc a utilisé les généraux en grande partie. Le portrait que je dresse de Dessalines durant cet été nébuleux et mouvementé est celui d’un leader militaire qui tente de gagner du temps, de protéger ses arrières et d’utiliser la protection française pour se débarrasser d’éléments indésirables, c’est-à-dire les chefs «africains» demeurés insurgés. Je pense avoir montré adéquatement que l’état-major français se laissa endormir par un Dessalines astucieux.

Sa victoire contre les troupes de Bonaparte

Bien que nous ayons déterminé que Dessalines préparait sa défection depuis le mois d’août, suite à l’épisode Belair en août 1802, il ne prit pas l’initiative de l’insurrection générale. En fait, ce sont les mulâtres Pétion et Clervaux qui lancèrent en premier leurs troupes contre les Français, dans la nuit du 14 octobre 1802. Ces diverses soulèvements va donner libre accès à l’émergence de Dessalines. En moins d’une année après l’arrivée de Leclerc et de son expédition militaire, Dessalines, tout comme les chefs militaires noirs n’ayant pas été déportés ou simplement éliminés, a combattu les français pour ensuite les servir, puis s’est attribué, grâce à des manigances diverses, le leadership des révoltés. Son alliance avec les hommes de couleur à l’automne 1802 et l’établissement graduel de son autorité sur tout le mouvement de résistance allaient lui permettre d’expulser les conquérants à la fin de l’année 1803. Une des premières priorités de Dessalines était de s’assurer de la cohésion du mouvement. Ainsi, contrairement à Toussaint qui monopolisait les rênes du pouvoir, s’aliénant conséquemment nombre de ses subalternes, Dessalines décentralisa les décisions et manœuvres militaires. C’est-à-dire qu’il utilisa les chefs dans leurs régions respectives et délégua des responsabilités aux membres de son élite, ce que Toussaint était plus réticent à faire, sauf s’il s’agissait de ses collaborateurs les plus proches. Chacun se voyait attribuer un territoire où la population le connaissait et était prête à le suivre. Afin d’obtenir un soutien adéquat de la part des masses, Dessalines mit tout en œuvre pour s’assurer du support de la population, ce que Toussaint avait été incapable de faire au printemps 1802. L’avantage de cette rhétorique consistait à inclure les mulâtres aussi bien que les Noirs. S’ajoutait à un discours simpliste mais accrocheur des tactiques novatrices pour mobiliser la population dans la quête d’indépendance. Dessalines et ses collaborateurs réussirent momentanément à mettre de côté les divisions, incohérences et contradictions qui allaient hanter la jeune république noire après son indépendance. L’armée indigène formait un amalgame de chefs et de combattants hétérogènes. L’objectif demeurait le même: détruire symboliquement l’héritage de ce régime oppressif d’esclavage et de souffrances. Dessalines et l’armée indigène se présentaient donc comme la seule opposition aux Français, mais aussi à l’exploitation. Malgré les efforts et l’ingéniosité déployés pour convaincre les Haïtiens en devenir et les mobiliser contre les Français, il n’en demeure pas moins qu’une proportion importante des hommes n’allaient pas se porter volontaires pour risquer leurs vies sous les ordres d’une élite militaire extrêmement autoritaire, parfois même cruelle. En fait, plusieurs indices prouvent que Dessalines fit appel à une stratégie simple mais efficace pour garnir ses troupes: la conscription. Contrairement à Toussaint en 1802, Dessalines ne ménagea pas d’efforts pour garder ses subalternes informés des stratégies à suivre et, inversement, il se tint au courant des agissements de ces derniers. Ainsi, il garantissait une meilleure cohésion et des actions mieux coordonnées. De plus, cela lui permettait de garder un contrôle minimal sur son organisation, essentiel pour mener une campagne efficace, mais aussi pour se maintenir à la tête du mouvement et préparer son règne une fois les Français expulsés. Son utilisation de diverses tactiques mobilisatrices et des décisions éclairées lui ont permis de capitaliser sur des circonstances avantageuses pour finalement se débarrasser des troupes de Napoléon et déclarer l’indépendance de la toute première république noire.

En fin de compte, la guerre d’indépendance haïtienne a vu triompher le parti des Noirs et des mulâtres contre les Français. Le mouvement dirigé par Jean-Jacques Dessalines bénéficia d’une dynamique particulière incluant des maladies tropicales fatales pour les soldats de Bonaparte, une répression sanglante de la part des envahisseurs qui rendit le camp insurgé plus attrayant pour tous les non-blancs et un blocus naval britannique qui anéantit les espoirs français. Dessalines élimina les Français sans compromis. Malgré des divisions incessantes et une légitimité amoindrie par une coopération ouverte avec le pouvoir blanc, Dessalines mit sur pied une armée capable et unie qui établit une nation libre tout en favorisant ses propres intérêts.

BIBLIOGRAPHIE

Beaudoin, Philippe. Carnet d’étapes, souvenirs de guerre et de captivité lors de l‘expédition de Saint-Domingue, Paris, Librairie Historique F. Teissèdre, 2000.

Boisrond-Tonnerre. Mémoires pour servir à 1 ‘histoire de la Révolution de Saint Domingue, Port-au-Prince, éditions Fardin, 1981.

Dalmas, Antoine. Histoire de la révolution de Saint-Domingue, depuis le commencement des troubles, jusqu la prise de Jérémie et du Môle S. Nicolas par les Anglais; suivie d’un Mémoire sur le rétablissement de cette colonie, Paris, Marne frères, 1814.

Descourtiiz, Michel Etienne. Voyage d’un Naturaliste en Haïti 1799-1803, Paris, Plan, 1835.

Duboys, Marie Pelage. La Lettre de Saint-Domingue, site internet.

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422 commentaires

  1. Mw t tj knnen ke w k rive lwen zanmi pam,felisitasyn !!!!

    Mw vote pou Emmanuel LUCAS #0132

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